Les cimetières protestants en Ardèche
L’Ardèche est riche en cimetières privés généralement situés non loin d’une maison d’habitation et bordés de cyprès. Ces cimetières sont l’héritage de l’histoire mouvementée du protestantisme dans notre région.
Aujourd’hui régie par de pures considérations de respect des sépultures et de mesures d’ordre sanitaire, la législation applicable aux cimetières ne prend plus en compte l’appartenance confessionnelle du défunt.
Cela ne fut pas le cas pendant longtemps. Si au Moyen Âge, tous les habitants d’une même paroisse étaient ensevelis dans le cimetière du village, la situation s’est compliquée dès la diffusion de la religion dite réformée. En effet, l’Église catholique s’est mise à refuser l’inhumation des protestants dans les cimetières paroissiaux et ceux-ci ont dû créer leurs propres cimetières. L’Édit de Nantes officialise cette séparation dans un but de paix civile. Suite à la révocation de l’Édit de Nantes, le culte protestant est interdit en France et les cimetières protestants sont désaffectés. Les ordonnances royales exigent que les protestants qui ont refusé de se convertir soient enterrés de nuit et sans rassemblement. Dans les villes, les caves deviennent lieux de sépulture et dans les campagnes, les défunts sont ensevelis dans un champ appartenant à leur famille. Ainsi est née la tradition des cimetières privés dans les régions à forte culture protestante.
L’Édit de tolérance de 1787 reconnaît l’existence civile des protestants et exige que les municipalités fournissent un cimetière aux citoyens non catholiques. Le Consulat établit définitivement la liberté religieuse et l’égalité des cultes et chaque culte doit avoir un lieu d’inhumation particulier et dans le cas où il n’y a qu’un seul cimetière dans un endroit, il doit être partagé en autant de parties que de cultes différents. En 1804, Napoléon réglemente la gestion des cimetières. Ceux-ci doivent être situés à l’extérieur des villes, être clos et séparés selon la religion. Il légalise l’utilisation de cimetières familiaux. Avec la laïcisation de l’État sous la 3e République, les cimetières sont devenus des lieux religieusement neutres.
La tradition de se faire enterrer sur ses terres près de ses ancêtres perdure jusqu’à nos jours dans certaines régions, notamment en Ardèche et dans les Cévennes.
En effet, une inhumation sur une propriété privée est possible, à titre exceptionnel, avec l’autorisation du préfet de région. Cette autorisation est généralement accordée dans les régions, comme la nôtre, où une tradition de cimetières privés existe.
Le propriétaire du terrain doit avoir donné son accord. Le terrain doit être situé hors d’une zone urbaine et un hydrogéologue, agréé par l’agence régionale de santé, doit auparavant s’être assuré de l’absence de risque sanitaire et doit notamment avoir vérifié que le lieu choisi est éloigné de toute nappe phréatique ou source.
La sépulture réalisée dans une propriété privée bénéficie des caractères d’inaliénabilité, incessibilité et imprescriptibilité. Si la propriété sur laquelle le cimetière est installé est vendue, les héritiers de la famille concernée bénéficient d’un droit de passage.
Marie-Françoise Chabriol