Crédits J-M. BAYLE-Boucieu-Soeur Marie-Josée et le Maire

Le chemin de Croix de Boucieu-le-Roi

Une congrégation de religieuses dans un village médiéval ; un chemin de croix qui les unit depuis des siècles : de cette complémentarité est née une véritable complicité faisant de Boucieu-le-Roi un témoin essentiel de l'histoire de la région.

C'est l’histoire d’un chemin de croix qui chemine à travers les siècles. 
Il est né de la volonté d’un prêtre, le « Bienheureux » Pierre Vigne. Nous sommes au début du XVIIIe siècle. L’Ardèche vibre encore des confrontations entre catholiques et protestants et la peste noire décime toujours une population terrorisée. C’est dans ce contexte historique et mystique que le prêtre arrive à Boucieu au printemps 1712. Il a 42 ans.

Il est ému par les paysages qu’il vient de traverser. La douce ondulation des collines mêlée à la richesse et à la diversité de la végétation l’ont bouleversé. À peine accueilli sur la placette du village dominant un large méandre du Doux, il salue « Le beau terroir de ce vallon ». Son émotion est si intense qu’il y trouve même des similitudes avec Jérusalem où il n’a pourtant jamais mis les pieds. De cette rencontre avec la sérénité du paysage et la quiétude du village devait naître sa décision d’y tracer un vaste chemin de croix, « Le Grand Voyage ». C’est ainsi que depuis des siècles Boucieu-le-Roi est devenu chaque Vendredi saint un lieu de pèlerinage.

Ce village avait déjà une histoire. On ne s’appelle par Boucieu-le-Roi par hasard. Il avait bien fallu qu’un roi justifie ce nom. C’est Philippe IV le Bel, ou « le Roi de fer » qui en 1291 en fit le siège d’une cour de baillage, c’est à dire la cour royale de justice pour le Haut Vivarais, Boucieu devenant ainsi une « ville royale » relevant de sa seule autorité.

Le maire actuel, Patrick Fourchegu, évoque avec passion et érudition sa commune labellisée « Village de caractère ». Son récit trouve un écho dans chaque coin du village, dans toutes les ruelles, auprès des monuments, de la maison du bailli, du pont royal et bien sûr sur le parvis de l’église romane ancienne chapelle du château. Dans chacun de ces lieux il a installé des panneaux explicatifs répondant aux interrogations du visiteur. Leur complémentarité en fait un véritable livre d’histoire. Le chemin de croix ne pouvait ignorer ce contexte historique. Il traverse ainsi le village en ponctuant son passage par de nombreuses haltes comme s’il venait à la rencontre des pèlerins.

Depuis la disparition du prêtre missionnaire, le rayonnement spirituel est entretenu par les religieuses de la congrégation des soeurs du Saint-Sacrement. Elles sont réparties en 18 communautés sur 3 continents. Perchées sur les hauteurs du village, elles veillent depuis des siècles à pérenniser ce chemin de croix. Le bâtiment qu’elles occupent, adossé à l’ancienne tour du château seigneurial, fut successivement un orphelinat puis un lieu d’accueil, un gîte, une « maison pour vivre ».

Les six soeurs qui occupent désormais les lieux préparent le prochain chemin de croix. Une exposition de peinture l’accompagnera. Elle aura pour thème la Crucifixion en « Dédicace aux peuples crucifiés d’aujourd’hui ». La tragédie Ukrainienne sera bien présente. Soeur Marie-José qui dirige cette congrégation parle de sa mission avec humilité. Elle accompagne ses explications d’une voix douce et claire comme un fil d’or. Une fois rendue sur les 4 Kilomètres du tracé du chemin de croix qui enlace Boucieu, son visage s’illumine. Sa passion est évidente. Elle semble voler d’une station-chapelle à l’autre. Il y en a 39. Elle en connait l’importance spirituelle comme l’intérêt esthétique, chacun des sanctuaires étant décoré de bas-reliefs de l’artiste Dante Danzelli. Soeur Marie-José ponctue cette visite en déplorant les dégâts de l’hiver sur certaines des stations. Patrick Fourchegu a bien compris le message. Ensemble ils s’activeront pour que le tracé soit des plus accueillants le Vendredi Saint.

Le maire et les religieuses, la commune et la congrégation, le chemin de croix et l’histoire médiéval du village, font de Boucieu-le-Roi une halte incontournable pour le voyageur comme pour le pèlerin. Chacun y trouvant de quoi nourrir sa curiosité ou sa spiritualité. Boucieu-le-Roi reflètent ainsi la qualité du patrimoine de toute une région.

Jean-Marie Bayle

Galerie de photos

Crédits J-M. BAYLE-La gare de Boucieu attend le passage du Mastrou qui remonte les Gorges du Doux.