Gérard Chaurand

LA FORÊT ARDÉCHOISE

 

Fransylva, la Fédération des Forestiers Privés de France, fait la promotion d’une gestion responsable et durable de la forêt. Son Président pour la région Auvergne-Rhône-Alpes, Gérard Chaurand, qui fut aussi le Président de notre association de 1999 à 2002, nous parle de son évolution et des défis qu’elle rencontre aujourd’hui.

 

Pas difficile de rencontrer la forêt ardéchoise. Elle recouvre plus de la moitié de la surface du département (56%). Mais pour en comprendre toutes les subtilités, il fallait un vrai guide. Gérard Chaurand est un passionné. Installé à Payzac, dans la demeure familiale surplombant l’immensité d’un paysage se rependant vers le sud, il m’a invité à observer la forêt qui l’entoure. Il semblait émerveillé en regardant ces étendues boisées comme s’il les découvrait pour la première fois. Sa passion remonte à l’adolescence. Il aimait se promener dans les grandes et belles forêts. Il parle même de fascination. Et puis au fil du temps cette séduction s’est concrétisée en achats de parcelles. Ainsi à partir de cette implication à priori anodine, son attachement à la forêt ardéchoise allait se concrétiser en un véritable engagement. Gérard Chaurand tient d’abord à rappeler que si cette forêt est en pleine expansion, si son augmentation peut être ressentie comme un ravissement, elle le doit avant tout à des conséquences socio-économiques. Le déclin du monde agricole, l’abandon des terres cultivées depuis la fin de la seconde guerre mondiale, la modernisation des moyens de production, telles sont les principales raisons de son développement spectaculaire.

L’originalité de cette forêt, l’une de ses principales spécificités, est la variété et la diversité de ses essences. Le patron de Fransylva peut toutes les énumérer. Elles sont rappelle-t-il, à l’image des contrastes géographiques et climatiques du département. Il n’est pas étonnant alors de trouver des aulnes et des peupliers sur les bords du Rhône, à 50 mètres d’altitude, des chênes verts et des pins noirs d’Autriche dans le sud méditerranéen du département, alors que ce sont essentiellement des pins maritimes qui dominent sa partie cévenole. Et quand on monte à l’étage montagnard, entre 800 et 1400 mètres d’altitude, on y trouve alors des sapins et des hêtres. Cette énumération ne se prétend pas exhaustive. Elle reflète seulement la richesse de la palette d’essences qui compose le paysage ardéchois.

Cependant, derrière la passion de Gérard Chaurand transparait rapidement l’inquiétude. La beauté se mérite et s’entretient. Or la frondaison printanière cache à peine les déboires auxquels la forêt doit faire face. L’homme
de terrain les pointe aussitôt du doigt. Ce sont en fait de véritables défis dont on a vite compris qu’ils étaient déterminants pour l’avenir voire la survie de la forêt ardéchoise.

L’un des principaux d’entre eux est évidemment climatique. Les longues périodes de sécheresse se conjuguant avec des coups de boutoirs de plus en plus violents de la canicule déciment de nombreux arbres. La première assèche leurs racines quand l’autre les grille au sommet. Mais le plus redoutable destructeur, celui qui nécessite une surveillance permanente, la hantise de tous les professionnels de la forêt et bien sûr de tous les habitants sont les incendies. 650 hectares ont ainsi brûlé durant l’été 2019. (1700 hectares en moyennement annuelle ces vingt dernières années).

L’autre défi est sanitaire. De nouveaux insectes ravageurs, extrêmement difficiles à neutraliser, ont fait leur apparition. On déplore aussi le développement de champignons pathogènes. Mais les plus beaux animaux de
la forêt ne sont pas les plus respectueux de leur environnement. Le cerf comme le chevreuil ont un appétit dévastateur. Ils engloutiraient avec leur
élégance naturelle toute la diversité de la végétation ardéchoise si on n’y prenait pas garde. Dès lors l’homme se révèle indispensable pour la forêt.

Gérard Chaurand aime rappeler que « Les vrais environnementalistes c’est nous, c’est en gérant la forêt qu’elle protège l’homme ».

1600 salariés s’y emploient en Ardèche. Ils la régénèrent. De nouvelles espèces sont plantées. Ce rajeunissement est permanent. Et puis le marché du bois est redevenu très actif. Bois de chauffage. Centrales aux copeaux granulés. Transformation du bois en produits chimiques. Mais surtout, le bois est de nouveau utilisé pour la construction de maisons. De nombreuses entreprises proposent en effet toute sorte de réalisations avec le bois local.

La forêt ardéchoise dispose donc de nombreux atouts. Alors pour qu’elle perdure, malgré ses fragilités et les menaces qui se multiplient, il est urgent que tous les petits propriétaires s’unissent pour la sauver. Ils représentent
80 % du territoire. Ce regroupement est une nécessité. C’est un appel de la forêt. C’est à partir de cette cohésion qu’une véritable approche globale de ses besoins pourra se mettre en place. Sa diversité doit être entretenue et accompagnée. Livrée à elle-même, la rapidité de son déclin pourrait nous surprendre.

Jean-Marie Bayle

 

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