Le seconde vie d'un très long tunnel
Le verrou a sauté.
La grande traversée peut commencer.
L'inauguration du tunnel de la Gadilhe ce samedi 27 novembre ouvre la Via Ardèche en vélo vers le département du Gard.
Des élus enjoués et un public enchanté s'étaient donné rendez-vous à l'entrée du tunnel.
Samedi 27 novembre 2021, un ancien tronçon d’une voie ferrée du sud de l’Ardèche a été le théâtre d’une manifestation mêlant curiosité et enthousiasme. C’était l’épilogue improbable de la longue histoire d’une ligne de chemin de fer privée de ses trains. Son dernier chapitre venait donc d’être écrit. On y parle d’un tunnel élancé et silencieux rampant sous la colline de la Gadilhe. Sa vocation a toujours été de marquer solennellement l’entrée en Ardèche pour le voyageur venant du nord du Gard. Ses 905 mètres en font la fierté de la commune de Saint-Paul-le-Jeune sur laquelle il débouche. C’est le plus long tunnel du département dédié aux mobilités douces. Aucune locomotive ne l’a emprunté depuis des décennies. La première d’entre elles était venue à la rencontre de ses voyageurs en 1876 dans la petite gare locale. Elle devait fermer un siècle plus tard. Ce samedi matin, un aréopage d’élus locaux et départementaux ainsi que de nombreux habitants se pressaient devant l’ouverture béante du tunnel. Une enfilade de lampes, postées comme des sentinelles, permettait de découvrir la profondeur du boyau. Il ne fallait évidemment pas s’attendre à voir surgir un train. Tous étaient là pour l’inauguration d’un nouveau tronçon de la Voie Douce qui a pour vocation de prolonger la Via Ardèche à vélo, la plus méridionale du département. Elle s’étire ainsi sur 70 kilomètres entre Aubenas et les portes du Gard.
Ce sont donc des vélos qui désormais vont se substituer aux locomotives. Des pelotons s’étireront en toute quiétude sur ce tronçon déchaussé de ses rails et de ses aiguillages depuis 1979. Il fut un temps, de la fin du XIXe siècle jusqu’au milieu du XXe , où la plupart des villes d’Ardèche disposaient d’une gare. Des raisons économiques et des choix hasardeux, voire irréfléchis, les ont privées de leurs rêves de voyage ou de la simple possibilité de se visiter mutuellement. Dès lors l’Ardèche allait devenir le seul département métropolitain sans trains, ni gares, ni voyageurs. Cette gabegie devait néanmoins laisser intact le maillage du réseau qui reliait toutes ces localités entre elles. En les réaménageant en voies douces, les voilà donc promises à un avenir inespéré. Saint-Paul-le-Jeune n’avait pas hérité des tronçons les plus faciles à réhabiliter. Deux tunnels positionnés comme les tours protégeant l’entrée d’une ville encadrent la localité. Celui de la Gadilhe s’échappe vers le sud. C’est un maillon indispensable pour rejoindre le bassin de vie de Bessèges. On en parlait comme d'un véritable verrou. C’était donc un chantier majeur que la communauté de communes du Pays des Vans a pris soin de réaliser comme elle aurait poli la pièce essentielle d’une motrice.
Une foule conséquente était donc présente pour cette inauguration qui marquera durablement l’histoire de la commune. Des salves de discours pertinents et souvent drôles se répondant en écho stimulaient dans leur élan la fierté d’une population flattée de disposer de ce long tunnel dédié au vélo. Ce dernier, attentif et silencieux, semblait à la fois ému de sa nouvelle mission et nostalgique de ses aventures.
En pénétrant dans son antre profond comme sa longue histoire, nous basculons inexorablement dans un univers fait d’impressions diffuses. Difficile de ne pas imaginer, surgissant du fond de ce boyau sans fin, une locomotive majestueuse et hurlante envahissant tout l’espace. La fumée a assombri ses murs dont chaque pierre parait surprise d’être soudain caressée par une lumière dévoilant son intimité. Des infiltrations d’eau nous plongent par moment dans l’ambiance insolite d’une grotte pleine de mystères. Son silence résonne en permanence.
Nous sommes insidieusement envahis par l’étrange sensation de cheminer dans un monde ténébreux et fascinant vers une destination inconnue. Justement la traversée touche à sa fin. À l’approche d’un tournant dessiné avec largesse, c’est bien la lumière du jour qui perce timidement. Le tunnel vient d'abdiquer. Un bois d’automne coloré et silencieux nous accueille. Il est là pour accompagner notre chemin vers la commune de Gagnières. Mission accomplie. Avec l'inauguration du tunnel de la Gadilhe la voie douce ardéchoise est connectée au Gard. C’est désormais dans ce département qu’une nouvelle histoire devra s’écrire.
Jean-Marie Bayle
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