ENTRETIEN AVEC KLÉBER ROSSILLON, LE FONDATEUR DE LA SOCIÉTÉ ÉPONYME
Quel lien existe-t-il entre le Mastrou, ce train ardéchois créé en 1891 qui relie Tournon à Lamastre, le vélorail lancé en 2011 dans la vallée du Doux et la réplique de la grotte Chauvet ouverte tout au sud de l’Ardèche en 2017 ? Les trois sont gérés par la même société spécialisée dans la gestion des sites culturels et touristiques. Son fondateur, Kléber Rossillon, a accepté de répondre à nos questions.
Pouvez-vous nous expliquer comment vous en êtes venu à gérer le train de l’Ardèche et le vélorail des gorges du Doux ?
"Le renouveau du train de l’Ardèche tient d’abord à la volonté du département de l’Ardèche qui a décidé de sauver cette activité touristique en prenant à sa charge la rénovation des 28 km de voies ferrées. La ligne a été arrêtée entre 2007 et 2013.
Pour ma part, j’ai eu le coup de coeur pour la beauté de la vallée du Doux et j’ai décidé de rejoindre le projet. Ma société est intervenue dans un premier temps en partenariat avec une société ardéchoise de transport routier, les Courriers rhodaniens, à Saint-Péray. Cette société gérait les aspects techniques du projet et mon entreprise avait pris en charge les aspects touristiques. Les travaux de remise en l’état notamment celle de la locomotive devant prendre plusieurs années, j’ai eu l’idée de lancer un vélorail dans les gorges de la vallée du Doux avec un départ depuis Boucieu-le-Roi. Au lancement de cette activité, nous étions considérés comme des OVNI par les habitants de Boucieu-le-Roi, village labellisé « village de caractère » plutôt tourné vers la conservation de son patrimoine bâti ! Mais c’était une bonne idée. Nos clients recherchent une aventure dans un paysage resté sauvage et montent bien volontiers à Boucieu. Le « vélo sur rails » des gorges du Doux est unique au monde par ses descentes panoramiques, leur longueur et leur pente.
Cette nouvelle activité a tout de suite connu un franc succès et nous avons décidé de la faire perdurer en alternance avec le train. Le Mastrou rénové a été inauguré en 2013 et son 1er passage a réuni des centaines de personnes le long des voies jusqu’à Lamastre. En même temps, nous avons inauguré un trajet-excursion plus court de la nouvelle gare de Tournon Saint-Jean à la petite gare de Colombierle- Vieux-Saint-Barthélémy-le Plain, la gare de France qui a le nom le plus long. C’est le Train des gorges. Le Mastrou et le Train des gorges sont réunis sous le nom de Train de l’Ardèche."
En quoi ces activités contribuent-elles à la préservation du patrimoine ardéchois ?
"Les voitures panoramiques du Mastrou permettent d’apprécier la beauté de la nature ardéchoise en toute tranquillité et le vélorail d’en profiter de manière plus sportive. Le train de l’Ardèche fait vivre un patrimoine ferroviaire du 19e siècle et le savoir-faire associé. Nous avons fait construire un hangar de réparation de locomotive à vapeur à Lamastre. C’est à ma connaissance le seul hangar ce de type construit au 21e siècle."
Combien de passagers accueillez-vous sur ces 2 activités ? D’où viennent-ils ?
"Le vélorail accueille 60 000 visiteurs par an et le train de l’Ardèche 90 000 passagers. Nous faisons rouler 300 trains par an. Ces activités sont plébiscitées par les Ardéchois ainsi que par les habitants des métropoles de la région (Lyon, Grenoble). Nous accueillons aussi beaucoup de touristes, notamment hollandais, qui viennent visiter le département aux beaux jours ou empruntent la ViaRhôna. Le Mastrou est intégré dans les parcours Via Rhôna grâce aux wagons-vélos."
Combien de personnes travaillent sur le train de l’Ardèche et le vélorail ?
"Ces activités font vivre 35 personnes sur des métiers très variés : mécanicien (qui conduitle train), chauffeur (qui alimente la locomotive en charbon), entretien du train, accueil dans les gares, les boutiques et gestion du petit musée ferroviaire de Tournon."
Quelles sont les perspectives sur ce site ?
"La ViaRhôna va bientôt être reliée à la gare de Tournon – Saint-Jeande- Muzols par une piste cyclable. Nous devons continuer nos actions de communication pour faire encore mieux connaître le train de l’Ardèche. Une bonne nouvelle : le train de l’Ardèche a été sélectionné pour faire partie des 80 plus beaux sites touristiques du monde décrits dans le livre « Rêve de trains » qui vient de paraître."
Parlons maintenant d’une tout autre activité, la grotte Chauvet : comment votre société a-t-elle été amenée à assurer l’animation du site ?
"Le ministère de la Culture, tirant les leçons de ce qui s’est passé pour la grotte de Lascaux, a, dès la découverte de la grotte Chauvet, décidé de ne pas l’ouvrir au public. Le département de l’Ardèche avec la région Rhône- Alpes et l’appui de l’État a porté le projet de facsimilé pour le faire aboutir dans des délais maîtrisés avec deux objectifs :
- Faire partager au plus grand nombre cet héritage universel légué par nos ancêtres de la préhistoire ;
- Contribuer au développement économique et culturel du département.
Il a fallu bien évidemment trouver un terrain où installer la réplique. Cela a été fait sur les hauteurs de Vallon-Pont-d’Arc avec des bâtiments discrets, intégrés à la topographie des lieux. La grotte reconstituée s’étend sur plus
de 8000 m². La reproduction a mobilisé un grand nombre d’artistes plasticiens, de scientifiques et d’entreprises pour arriver à un facsimilé restituant au mieux la diversité des paysages souterrains et la qualité des oeuvres pariétales. Ma société a été retenue suite à un appel d’offres pour faire rayonner la grotte Chauvet : professionnalisme de l’accueil et de l’organisation des visites, qualité des explications et rôle d’entrainement avec les professionnels du tourisme de la région."
Qui sont les visiteurs de la grotte Chauvet ? Combien sont-ils ?
"La caverne du Pont d’Arc, avec environ 350 000 visiteurs par an, bénéficie bien sûr du capital touristique du Sud Ardèche et de son inscription au Patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 2014. Les Ardéchois sont venus en nombre visiter la grotte Chauvet mais nous accueillons aussi beaucoup de touristes de toute la France ainsi que de nombreux visiteurs étrangers, au premier rang desquels, les Allemands qui sont culturellement particulièrement intéressés par la préhistoire."
Combien de personnes travaillent en direct pour la grotte Chauvet ?
"Environ 70 équivalents temps plein travaillent pour la grotte et un peu moins de 50 permanents."
Quels sont vos projets pour ce site ?
"Ils répondent aux objectifs qui sont fixés par le Département et la Région. Là aussi, nous allons travailleé à faire encore plus de communication sur la grotte et ses richesses artistiques. En effet, si l’ancienneté des peintures (plus de 30 000 ans) est bien connue, la qualité des peintures n’est pas forcément appréhendée à sa mesure. Il s’agit de véritables chefs-d’oeuvre de l’humanité et nous bénéficions de l’héritage du meilleur artiste de la préhistoire connu : le maître de la grotte Chauvet. Nous allons donc continuer à développer les manifestations sur le site dès que la situation sanitaire le permettra. Une salle de conférence est en cours de construction pour faire venir des entreprises sur le site. Elle est financée par le département, la région et notre société. Nous reprendrons nos expositions thématiques dès que possible dans la suite de l’exposition « Des lions et des hommes » présentée en 2019."
Entretien réalisé par Marie-Françoise Chabriol
Les renseignements sur ces sites sont disponibles aux adresses suivantes :
• Le train de l’Ardèche : https://www.trainardeche.fr
Chemin de Fer du Vivarais - Route du Grand Pont - Gare de Tournon
St Jean à St Jean de Muzols
• Le vélorail des Gorges du Doux : https://www.velorailardeche.com/
265 A Route du Pont du Roi - Gare de Boucieu - Boucieu-le-Roi
• La grotte Chauvet : https://www.grottechauvet2ardeche.com/
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