Chronique des vendanges au sud de l'Ardèche

Chaque année la météo est la grande inconnue déterminant la qualité des récoltes. En visitant pendant leurs vendanges deux domaines bien différents du sud du département, on peut être rassuré, 2023 est une bonne année, malgré la chaleur estivale et les périodes de canicule.

Au domaine du ‘’CHÂTEAU DES LÈBRES’’ sur la commune de Banne, au sud de l’Ardèche, les vendanges ont commencé un lundi. Non pas parce que c’était le début de la semaine ou que ce jour correspondait à la rentrée des classes ni même parce qu’il faisait beau, non, les vendanges ont commencé ce lundi 4 septembre parce que le raisin était arrivé à maturité. La texture de sa peau comme sa teneur en sucre ou son acidité remplissaient les critères nécessaires pour un ramassage immédiat. C’est Sébastien STROHL de POUZOLS, le propriétaire du vignoble, aussi méticuleux et attentif qu’un laborantin devant un précipité inédit qui avait pris cette décision. Nous nous sommes ainsi retrouvés une petite dizaine vers 6h du matin devant les anciennes caves du château, une bâtisse datant du XVIème siècle. C’est la fraîcheur matinale qui avait imposé cet horaire précoce, pour que le raisin garde ses arômes et toutes ses couleurs, la chaleur pouvant aussi provoquer une fermentation accélérée prématurée, d’autant que ce jour-là le thermomètre affichera près de 30° dans l’après-midi.

La nuit était encore épaisse. Un paquet d’obscurité nous enveloppait. Chacun avait dû s’équiper d’une frontale, et munis d’une épinette, un sécateur à lame droite légèrement dentée, nous avons coupé nos premières grappes. C’était une vigne de Merlot. Le faisceau de nos lampes balayait le sol à travers les feuilles dans des mouvements aussi imprévisibles que ceux d’une chorégraphie de lucioles. Mais quand les premières lueurs de l’aube se sont imperceptiblement hissées sur les collines environnantes en colorant de parme le relief avant de basculer dans la plaine c’est un tableau transparent qui se dessina devant nous, puis le soleil redonna toute sa cohérence à la nature.

Ce domaine viticole de six hectares ne se limite pas au seul Merlot, d’autres cépages y sont cultivés comme le Grenache, le Syrah, le Cabernet, le Sauvignon, le Marselan et le Vermentino. Des vins pour lesquels, Sébastien STROHL de POUZOLS, toujours passionné dans son récit viticole, tient à souligner son engagement pour une production respectueuse de l’environnement et de la biodiversité. Nous avons ainsi méticuleusement sillonné les allées de ses vignes toute la matinée, parfois nous trouvions quelques pieds brûlés par la canicule mais la majorité des rangées ne montraient aucun signe de faiblesse, elles avaient même su profiter des pluies fines de la fin du mois d’août. Une fois nos cagettes remplies, chacune débordante de grappes de raisins encore frais, elles étaient aussitôt hissées sur une remorque. Ce n’est qu’après les dernières notes de l’angélus que l’équipe a posé ses outils pour le déjeuner.

À quelques kilomètres de là, une autre propriété familiale connaissait une effervescence bien différente. Cette fois, il s’agissait de vendanger 27 hectares. On pouvait s’attendre à y trouver plus de main d’œuvre, en fait son système d’exploitation était radicalement différent. Sébastien PENOT le propriétaire de ce vignoble a choisi de mécaniser toute sa chaîne de production. Juché sur une vendangeuse, une étrange machine qui semble flotter au-dessus des vignes, enserrant entre ses puissantes mâchoires chacun des pieds qu’elle secoue sans ménagement pour en faire tomber seulement les grains, il parcourt inlassablement ses rangées à 3,5km/h. Sébastien veille à éviter de traumatiser sa vigne. Il aime préciser qu’il y a plusieurs façons de vendanger, que ce soit à la main ou mécaniquement et que « les vendanges du jour doivent préserver celles de l’année suivante. »

Lui aussi, comme au ‘’CHÂTEAU DES LÈBRES’’, fait du blanc, du rouge et du rosé avec une multitude de cépages. Lui aussi revendique déjà plusieurs années de bio, mais leur différence, au-delà de la taille de leur domaine, n’est pas anodine. Découvrir le chai de cette exploitation c’est pénétrer à la fois dans une cathédrale ultra moderne flanquée de part et d’autre de 14 cuves de 90 hl chacune aussi énigmatiques que des statues et c’est aussi se sentir dans un aven aseptisé comme un laboratoire. Sa femme, Anne-Laure, totalement impliquée dans toutes les phases de la fabrication, explique avec une étonnante simplicité la complexité de leur installation. C’est un ingénieur, François ARNAUD, qui a échafaudé cette organisation révolutionnaire. Elle fait même dire à Anne-Laure que ces cuves flanquées d’un large panier pour récupérer le marc de raisin qui sont surtout en partie enfouies dans la terre par souci d’optimisation de la géothermie, que la préservation des jus ignorant le matraquage ou la déstructuration des baies, que l’absence des pompes à eau, évitant de fait une consommation intempestive, font de leur cave une ‘’exclusivité mondiale’’ particulièrement respectueuse de l’environnement.

Cette année, Anne-Laure et Sébastien PENOT vont produire pour la première fois leur propre vin. Finie leur complicité avec la coopérative. Terminé de confier à d’autres leur propre récolte. Désormais, leur enseigne ‘’LES GARIDELLES’’ qu’ils s’impatientent d’accrocher au fronton de leur cave annoncera leur nouvelle autonomie, de même que les étiquettes promises sur les bouteilles qui ne sont d’ailleurs pas encore validées comme leur site internet en attente de sa mise en service. Pour les deux domaines, l’année 2023 est à la hauteur de leur attente. Malgré les salves insidieuses de canicules qui avaient bien failli assécher la campagne pendant l’été, les raisins offrent la saveur d’un bon millésime en phase avec un remplissage conséquent des cuves. Si dans leur globalité ces vendanges 2023 sont satisfaisantes, sans doute leur faudra-t-il analyser plus en détail le comportement des différents cépages face à la persistance croissante de la chaleur. Les deux Sébastien pensent déjà aux vendanges à venir.

Jean-Marie BAYLE

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