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Labeaume et ses jardins suspendus 

Classé ''village de caractère'', Labeaume raconte la présence des hommes depuis des millénaires sur son territoire. Niché contre des falaises de calcaire creusées de grottes (d'où son nom tiré du latin balma = la grotte) Labeaume est riche de nombreux sites pittoresques. L'éblouissement qui émane des uns, les interrogations que suscitent les autres et la poésie de tous ne peuvent qu'attiser la curiosité du promeneur.

Ce matin-là, le village s’étire sous les premiers rayons du soleil. Nous sommes fin avril. Les ruelles et les calades molletonnées comme d’épais matelas guettent les visiteurs les plus matinaux.
Découvrir Labeaume, c’est d’abord faire un choix stratégique. Le village est multiple. Les sites à visiter se répandent sur toute la commune. Son évolution, étroitement liée à son environnement, puise ses racines dans les profondeurs du passé. Les 147 dolmens répertoriés qui quadrillent la campagne environnante comme des sentinelles fières de leur résistance aux attaques du temps attestent de son ancrage dans la préhistoire. 

Pour mieux apprécier cette diversité, Jean-Claude Fialon, adjoint chargé du patrimoine, m’attend à la mairie. Cet autodidacte, natif de Ruoms, passionné d’histoire, affable et disert sur les subtilités de son village, se propose pour m’accompagner. Il se présente avec une pointe de malice comme étant un homme de lettres, avant de préciser, « J’étais facteur ».
Son choix est de commencer notre visite en pénétrant directement dans les entrailles du vieux village. Aucune contrainte pour s’y déplacer, Labeaume est entièrement dédié aux piétons. Pour le néophyte, c’est un labyrinthe.
Mais ses méandres se jouant en permanence de la configuration accidentée des lieux sont une véritable invitation à la rêverie. On s’y perdrait avec plaisir.
Par moment, entre deux maisons ou simplement à l’angle d’une ruelle, une perspective inattendue offre au regard un paysage aussi percutant qu’une oeuvre d’art. On peut ainsi y découvrir une vue magnifique sur les falaises de roches ruiniformes comme il est possible de surprendre le clocher se dressant paternellement au milieu d’une foule de toitures dissipées, d’autres fois c’est un pan de muraille érodée par le temps et lacéré par l’Histoire qui impose son ombre. Elle rappelle avec solennité et gravité la présence d’un château féodal dominant le village vers l’an mil.

Jean-Claude Fialon disparaît soudain dans un dédale de passages voûtés. Ils sont nombreux à ponctuer notre itinéraire. Chacun marque une césure entre deux ambiances. Évoluer dans les rues de Labeaume, c'est tourner les pages d'un livre d'images.

Les maisons qui accompagnent notre lente progression ont été bâties pour une grande partie d’entre elles sur des cavités. Il y en aurait 25. De profondes failles dans la roche. À l’origine, elles servaient de refuges, elles sont devenues des prétextes pour d’élégantes habitations en pierre calcaire. En levant la tête, on découvre perchées sur certaines d’entre elles des terrasses couvertes, les ‘’couradous’’, témoignages de la grande époque du village, quand la sériciculture y était l’activité dominante. C’est sur ces terrasses que l’on dépouillait les rameaux de bruyère des cocons filés par les vers à soie.

Nous voilà rendus sur la place du Sablas. Le temps d'apprécier les 11 arches du pont submersible et de contourner la fontaine, témoin depuis des siècles de confidences et de ragots souvent essentiels, mais toujours inutiles. La sérénité de cette journée printanière contraste avec la découverte sur un mur des stigmates d’une violence inouïe à laquelle Labeaume doit régulièrement faire face : les inondations. Les précipitations cévenoles sont sa hantise. Des plaques rivées sur la façade d'une auberge en pérennisent l’arrogance dévastatrice. Elles signalent la hauteur des crues les plus spectaculaires des 22 septembre 1890 et 1992.

Nous sommes en route maintenant vers un joyau improbable : les jardins suspendus du Recatadou. Une curiosité ; une extravagance ; un enchantement. Accrochés le long de la rivière sur des falaises sculptées depuis des millénaires, ces jardins ont été créés par l’homme, sans doute au début du XIXe siècle. De surfaces inégales, s’empilant sur plusieurs niveaux, enchâssés dans des rochers souvent déplacés à la main, leur présence raconte la dureté de la vie des anciens.
Faute de terres agricoles suffisantes en plaine, ils ont refaçonné le paysage par nécessité, dotant désormais Labeaume d’un site exceptionnel. Riche de cet héritage, la municipalité prend un soin particulier à le préserver et à l'entretenir pour le plus grand plaisir du visiteur.

Jean-Marie Bayle

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