1108-Unal 01 Copyright S.CAZALET

La Maison Unal de Labeaume

Pour la comprendre, il faut remiser ses certitudes au vestiaire, car ici, le chemin le plus court entre deux points est la courbe.

Au début des années 70, dans l’esprit de l’après 68, un couple cherche un terrain pour bâtir une maison sortant des sentiers battus, expression à prendre au propre et au figuré.
Après un premier échec dans les Alpes, ils se trouvent un bout du monde à vendre à Labeaume.

 

Débute alors la réalisation d’une maison conçue par Claude Häusermann-Costy et construite par Joël Unal pendant 36 ans, entre 1972 et 2008.
Deux contraintes sont à respecter : pas d’angle droit, pas de ligne droite verticale (pour le sol, il n’y a pas le choix). Sort alors de terre une chose étrange, toute biscornue, une sorte de vaisseau de martiens atterrie sur les cailloux de la garrigue. Le petit homme vert aux commandes de l’engin ne s’aperçoit même pas que son bidule sur pilotis s’installe juste au-dessus d’un dolmen à couloir, comme si on posait une purée malaxable sur un rocher.

Car c’est la bonne image : tous ceux qui mangent du chewing-gum ont déjà réalisé des bulles sortant de leurs lèvres. Sans le savoir, ils fabriquent en modèles réduits des maisons Unal. Elle s’inscrit dans un courant architectural appelé « l’architecture sculpture ». Pour tous les volumes de la maison, un voile de béton sans coffrage est posé à la main. La bouillie est appliquée sur un grillage soutenu par un treillis de fer, planté directement dans la roche pour éviter les fondations. Probablement pour que l’aéronef puisse se renvoler un jour, les murs ne font pas plus de 12 centimètres d’épaisseur. 
Le chewing-gum est complètement intégré dans le site naturel. La maison ne présente aucun plan préalable. Elle se modèle au fur et à mesure de ce qui sort, un peu comme quand on tripatouille de la pâte à modeler. Au fur et à mesure que la construction avance, les bulles sont reliées les unes aux autres si bien que le résultat finit par pétiller comme du champagne.

Quand on se risque à découvrir l'intérieur, on se dit d'abord qu'une bouteille de lait doit y tourner d'un coup. Mais on s’habitue. Les rondeurs évoquent les feux de camp où un Sioux fait passer le calumet de la paix. Il n’y a que cinq portes en
tout, aucune dans les WC. Cela a un intérêt : sans serrure, on ne risque pas de perdre ses clés ou de déformer ses poches. Les fenêtres sont des hublots comme dans un Airbus ou un steamer sur le Mississippi. Dans la maison Unal, on avance sans très bien savoir où l’on va. Pas de porte, donc pas de meubles, ce serait idiot de se les faire piquer. Les rangements et tables sont en dur. Seules les chaises sont déplaçables.

Apercevoir un OVNI en passant dans la région n’est donc pas une vue de l’esprit. Mais celui-là, inutile de le déclarer au Groupe d'Études et d’Information des Phénomènes Aérospatiaux Non identifiés (GEIPAN) et de se faire passer pour un pauvre humain alcoolique. Pourtant, voir la maison Unal consiste un peu à mettre un pied sur la lune.

Benoit Pastisson

 

Galerie de photos

1108-Unal 02 Copyright S.CAZALET 1108-Unal 03 Copyright S.CAZALET 1108-Unal 04 Copyright S.CAZALET 1108-Unal 05 Copyright S.CAZALET