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La Fondation du Patrimoine et le Château de Banne

Le château de Banne semble parfois replié sur son lointain passé. Les archives l’évoquent pour la première fois à la fin du XIIème siècle.

L'Histoire et le temps l’ont profondément lacéré. Ce n’est que récemment, depuis quelques décennies seulement, que de nombreuses initiatives et autant d’interventions solidement encadrées, comme celles de la Fondation du Patrimoine, sont venues le sauver d’un naufrage irréversible.
Il est des soirs où les pierres du château entrent en conflit avec le vent, quand les bourrasques déferlant des hauts plateaux se ruent dans les échancrures de ses murailles, des sons inédits se rependent aussitôt sur le village. Ce n’est pas un chant comme le prétendent certains. Le château est alors en souffrance. Ses clameurs sont des plaintes. Il s’agit bien des stigmates du passé qui le harcèlent de nouveau: depuis l'année 1236, quand il était un ‘’castrum’’ dont les seigneurs rendaient hommage au Roi de France Louis IX, jusqu’à ces tragiques journées de juillet 1792 qui le virent la proie de flammes dantesques. Les siècles suivants ne lui furent guère plus favorables, faute d’être sérieusement soigné, ses blessures n’avaient cessé de se gangréner. Le château tente désormais de s'émanciper de cette aventure démentielle.

 

C’est la Révolution qui a eu raison de cette autorité incontestée qu’il dégageait durant la féodalité comme de son élégance flamboyante pendant la Renaissance. Un groupe d’idéalistes devait tout précipiter. Leur lutte pathétique pour défier le cours de l’Histoire fut pour lui un désastre. Ils n’étaient en fait qu’une minorité de royalistes. Nostalgiques de leur roi Louis XVI emprisonné à la Conciergerie depuis plus d’un an, ils rêvaient de son retour à Versailles. Repliés dans le château de Banne cette escouade de contre-révolutionnaires s’enfuit à l’approche de l’armée régulière. Le château pourtant vide fut investi, pillé, puis totalement dévasté. La Convention ordonna alors de l’incendier. Le feu dura 5 jours. Ses tours s’affaissèrent. Ses voûtes s’écroulèrent. Son destin s’achevait ainsi magistralement dans des flammes de plus de trente mètres. Ne restait plus qu’une ruine exposée comme une proie profondément meurtrie à la férocité des éléments, la cupidité des hommes avides de ses pierres devait finir de le défigurer.
 

Des travaux ont déjà habilement pansé ce qui sans eux l’auraient condamné à une interminable agonie. Ses murailles ont d’ailleurs retrouvé leur prestance comme certaines de ses tours une fierté oubliée. Mais un château n’est pas seulement une enceinte. Son apparence n’est pas réductible d’un témoignage de ce que fut la vie derrière ses murs. Certes les ruines ont leur charme. Elles ont toujours su attirer les poètes et les esthètes, les uns venant y chercher leur inspiration, les autres le reflet de leurs propres tourments. Mais la beauté n’abolit pas la souffrance. Les ruines n’échappent pas à la mort. Les secourir est un devoir.
 

Au début du mois de mai, le délégué départemental de la Fondation du Patrimoine, Philippe Garel, est venu avec son équipe en arpenter les remparts. Le maire, Jean-Marie Laganier, et Sébastien Strohl de Pouzols, le président des ’’Amis de Banne’’’, l’association des bénévoles du village, l’accompagnaient dans ses réflexions. C’est ainsi qu’un étonnant dialogue devait animer ce groupe insolite se déplaçant seulement vers les points névralgiques les plus fragilisés de la forteresse. Les représentants du village exposaient avec passion leur intention de valoriser les vestiges du château, de les consolider, d’en sécuriser les plus menaçants tout en n’en améliorant l’esthétisme, quand de leur côté les spécialistes de la Fondation du patrimoine, dont la vocation est de soutenir les projets de réhabilitation, veillaient avec une grande attention à s’assurer que les travaux en respecteraient l’harmonie et les spécificités historiques.
La technique, le savoir-faire, l’expérience, la rigueur, se penchaient ainsi autour du château comme au chevet d’un vieux malade. Pas toujours facile d’en établir un diagnostic fiable. La Renaissance a fortement bousculé ses origines médiévales. Des anachronismes architecturaux échappent désormais à toute rationalité. Le ‘’Vieux’’ semble se plaire à garder jalousement ses secrets comme avec cette faille improbable découverte récemment sous ses remparts. Elle semblait s’offrir comme une invitation à visiter ses entrailles. Le maire n’avait pas hésité pour cette mission (qu’il savait plus délicate qu’il n’y paraissait), à solliciter l’expertise de Jean-Marie Chauvet. Le découvreur de la grotte éponyme s’était glissé à plusieurs reprises dans cette étroite fissure. Il ne ressentira jamais ce courant d’air annonciateur de la présence d’un passage menant vers de nouvelles cavités. L’obscurité et le silence devaient une nouvelle fois draper d’énigmes ce mince espoir.
Après notre visite, en descendant vers le village dans le dédale de ses ruelles, le château semblait plus que jamais avoir concentré derrière ses remparts toutes les fulgurances qui avaient participé à sa légende. Cette fois aucun vent venu de nulle part n’osait le contrarier. Seule restait une immense nappe de silence dans laquelle le soleil du printemps se plaisait à se mirer.

Jean-Marie Bayle 

 

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