Escapade Ecopoétique Copyright E. Meyrand

Escapade Ecopoétique

Escapade : du latin excappare, enlever sa cape ! Le mot invite au dévoilement, à la découverte. C’est bien le but des balades écopoétiques organisées* depuis 3 ans à Arlebosc, en septembre, lors des Journées européennes du Patrimoine (J.E.P.).

Intitulée : « De lac en lac, les Travaux et les Jours » la balade* du 16 septembre 2023 invitait, à partir de la chapelle Saint-Just, à suivre l’eau à travers champs et bois. Rencontres multiples : sources, ruisseaux, mares, nappes, lacs et retenues : l’eau a façonné le paysage.

Pourquoi partir de Saint-Just, ce hameau situé sur les hauteurs (700m) du village ? Parce que ce lieu est un fabuleux raccourci de l’histoire des hommes et de leur milieu. Bien sûr, la chapelle dédiée à Saint-Just témoigne de l’arrivée du christianisme en Ardèche. Just, qui fut le treizième évêque de Lyon incita, par la grâce de ses miracles, la population locale à se convertir. Lumineuse, ouvrant sur les champs la chapelle et la statue du saint aujourd’hui encore accueillent, chaque lundi de Pentecôte, les pèlerins venus demander protection et bénédictions. Dernier écho des rogations, ces processions lors desquelles les paysans demandaient que soient bénis leurs champs et leurs récoltes. Remettre ses pas dans ceux des paysans qui pendant des siècles ont pérégriné de croix en croix vers la chapelle, c’est, lors d’une balade écopoétique, revenir à un sens plus ancien du travail de la terre. Hésiode, au VIIIème siècle avant notre ère, écrit « Les travaux et les jours », texte poétique qui donne à la fois conseils pratiques pour la vigne et le blé mais aussi, surtout, aide à trouver « comment bien vivre dans le monde où on est né. » Travailler la terre est poème, au sens grec du terme ; créer, faire œuvre. Les rogations, instituées au IVème siècle par Saint Mamert, évêque de Vienne pour éloigner de la terre les calamités, ne disaient pas autre chose. Demander des bénédictions, c’est reconnaître le rôle de dieu dans la création. Le paysan est celui qui est capable de déceler cette présence. Travailler la terre, c’est continuer la création. Le travail agricole, seulement justifié par le profit, perd sens et devient exténuant. Les rogations maintenaient le sens de l’activité humaine. Disparues dans les années soixante, elles font retour depuis peu dans certaines régions de France.

Que ces rituels soient placés, à Arlebosc, sous l’égide de Saint-Just (+395) est intéressant. L’évêque en ces temps anciens est le responsable de l’oikos, la maison ou plus exactement : la maisonnée, constituée à la fois par les humains, les chrétiens et le lieu de vie. C’est sur ce mot que l’on a forgé le terme d’écologie avec, à l’arrière-plan donc, cette notion de maison commune.

Il est des lieux comme cette chapelle, où « l’esprit des lieux » nous ouvre des perspectives nouvelles, mettre ses pas dans ceux qui au cours des siècles ont cheminé là, c’est sortir déjà des sentiers battus et un peu aussi, chercher d’autres façons d’habiter ce monde.

Elizabeth MEYRAND

* Organisée par la municipalité d'Arlebosc et l'association Terroir pays de Saint-Félicien