Le Mas de la Vignasse, le Musée d'Alphonse Daudet
C’est le musée d’un écrivain et celui des traditions ardéchoises, c’est l’histoire d’un auteur du xix e siècle et d’un monde rural en pleine expansion.
Pénétrer dans le domaine du Mas de la Vignasse c’est basculer dans le XIXe siècle, en pousser la porte du lieu d’habitation c’est découvrir l’intimité de la famille Daudet. C’est ici, perché entre le Chassezac et La Beaume, à deux pas de Ruoms, sur la commune de Saint-Alban-Auriolles, que se situe le musée Daudet. Jusqu’à l’âge de 9 ans, l’auteur des Lettres de mon moulin (1840-1897) venait séjourner chaque été dans cette propriété appartenant à sa mère Adeline Reynaud. Curieusement, sa plume n’évoquera que de manière parcimonieuse le souvenir de ses vacances ardéchoises. « Mon oncle avait un grand verger et moi j’avais une cousine. » Témoignage de la naissance des premiers émois à La Vignasse du jeune Alphonse dans ce poème "Les Prunes" tiré du recueil "Les Amoureuses". Unique trace de son passage dans cette bâtisse. Néanmoins la curiosité et la sensibilité de l’enfant qui deviendra l’écrivain dramatique au style si proche de Dickens resteront durablement imprégnées par ses séjours ardéchois.
En 1936 Roger Ferlet, un ingénieur à la SNCF créateur de la Vie du Rail, homme de culture, fervent admirateur d’Alphonse Daudet acquiert la propriété. Le musée allait naître lentement de cette passion à laquelle il associera une volonté manifeste de faire de la Vignasse un musée des traditions ardéchoises.
L’accueil se fait dans un ‘’couradou’’, cet espace où l’on dévidait les cocons avant de procéder à la filature de la soie. Alphonse Daudet a connu la grande époque de la sériciculture ; on peut encore observer à la Vignasse des vers manger des feuilles de murier et tisser leurs cocons. Le visiteur découvre avec curiosité la qualité du savoir-faire et les outils dont disposaient nos ancêtres pour leurs travaux quotidiens. Il apprendra ainsi comment au cœur du xixe siècle les paysans ardéchois pressaient les olives, décortiquaient les châtaignes, battaient le métal ou encore distillaient leur alcool. Les outils sont disposés sur leur râtelier comme si les paysans venaient seulement de les ranger. De même que le fournil, le moulin à olives ou l’écurie semblent en attente d’être sollicités.
Mais visiter le Mas de la Vignasse c’est avant tout aller à la rencontre d’un écrivain dont la qualité des romans reposait sur une moisson d’observations au jour le jour. Alors comme si nous suivions Alphonse Daudet nous pénétrons dans la cuisine de la maison familiale où la table semble prête à accueillir le visiteur avec la même prévenance qu’elle le faisait sous le second Empire et la troisième République. Tous les objets y occupent la même place en attendant d’être utilisés pour la même finalité.
Découvrir la chambre du créateur de Tartarin avec son lit à l’épais matelas et ses murs magnifiquement décorés de nombreuses gravures, portraits, dessins, avec une multitude de vêtements de l’époque, des coiffes, des robes etc. est un moment d’enchantement. Mais l’émotion nous envahit dans les dernières pièces, celles qui nous rapprochent le plus de l’écrivain. C’est un monde de livres qui nous enlace. On peut surtout y découvrir des notes manuscrites, quelques-unes des pages de ses petits cahiers couvertes d’une écriture fine où il notait « des remarques, des pensées qui n’ont parfois qu’une ligne serrée, de quoi se rappeler un geste, une intonation, développés, agrandis plus tard pour l’harmonie de l’œuvre importante. »
Ainsi à la Vignasse on y rencontre un écrivain qui ne cesse de nous parler, de raconter des histoires, son histoire, dans une douce ambiance nous ramenant à une époque à la fois lointaine dans ses priorités et tellement présente dans sa réalité. On sort du mas Daudet troublé et enchanté à l’image de son œuvre qu’il définissait comme « un singulier mélange de fantaisie et de réalité. ».
Jean-Marie BAYLE