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Mado Point (1898-1986), Une ardéchoise à la Pyramide de Vienne

La reine de la gastronomie française, qui a contribué à la légende du très fameux et célèbre restaurant de La Pyramide à Vienne, Madame Marie-Louise Point était ardéchoise, native de Saint Félicien. Cher pays de Charles Forot, de ses odeurs de forêts et de fumets de table, Marie-Louise, dite Mado, en avait hérité le goût du savoir vivre et bien recevoir.

De son nom, Marie-Louise Paulin, elle est née le 12 septembre 1898 à Saint-Félicien quartier de Brintenas. Son père Jules Auguste, âgé de 34 ans à sa naissance, était cordonnier, et Joséphine Clémentine Flouret, sa mère avait 21 ans ; son grand-père était teinturier au village. Attirée par le commerce comme sa famille, elle ouvre un salon de coiffure, elle en aura gardé le goût de raser Fernand Point chaque matin, à l’ancienne, avec blaireau et rasoir. Les chroniques du temps ne nous disent pas comment elle rencontra le chef cuisinier, ils se marièrent à la mairie de Vienne le 14 mars 1931. Fernand était plutôt timide et réservé, Marie-Louise, impétueuse et moderne. Temple des gourmets depuis 1923, la Pyramide à Vienne était la métropole de la bonne cuisine. Fernand Point « avait la magnificence et la sagesse de Pantagruel mais aussi parfois les éclats de Jupiter ». Fernand carburait au champagne. Vu sa corpulence, 165 kg pour 1,96 m, les apprentis avaient intérêt à s’exécuter quand « Magnum » tonnait « du beurre, donnez-moi du beurre, toujours du beurre ! »

L’ambiance chaleureuse était de mise, on raconte qu’une fois, on retrouva les sous-vêtements de « Mado », l’une des femmes les plus séduisantes et les mieux habillées de Vienne, pendues au clocher de la cathédrale ! Petit scandale que Fernand eut à gérer avec l’évêque de Vienne.

Le chef savait y faire avec le gratin et pas simplement avec celui des queues d’écrevisse ! De Sacha Guitry, auteur du fameux Pour bien manger en France, un Point c’est tout à Cocteau en passant par Fernandel ou Colette, tous faisaient étape chez lui en descendant sur la Riviera. Arrêt gastronomique sur la route Nationale 7, comme à Tain l’Hermitage, sa cuisine attire les personnalités internationales, les chefs d’Etat, les têtes couronnées, acteurs, écrivains, célébrités, tous fondent sous l’accueil de Mado Point. Dans les années 50, la patronne et son chef sont les premiers à donner un nouveau look à la table : nappes damassées, vaisselle de Limoges, verres en cristal de Baccarat et ambiance de fête et de bon goût. Fernand Point devient rapidement un des trois plus grands chefs français avec André Pic à Valence et Alexandre Dumaine à Saulieu en Côte d’Or. Curnonsky, le prince des gourmands, le considère comme « le sommet de l’art culinaire », toujours avec à ses côtés, Mado, son égérie.

Lorsque le chef étoilé décède en 1955, Marie-Louise continue le restaurant et signe « Madame Point ». Elle garde le personnel et continue l'œuvre de son mari. Mado Point, à qui Jean Cocteau écrivait : « Ma chère amie, je n'arrive pas à comprendre comment une telle présence peut disparaître », demeura fidèle à la mémoire, mais aussi aux principes de Fernand. Avec Guy Thivard, qui avait été le second de son mari, avec le personnel de salle, elle sut maintenir la Pyramide et continua à servir les grands plats de Fernand Point : turbot au Champagne au boudin de Joannes Colombier, gâteau de foies blonds Curnonsky au perdreau à la Valentinoise etc. Elle en conserva ses trois étoiles.

En 1978, Mado Point fête ses 80 ans avec Paul Bocuse, un des élèves du maître. Il aimait rappeler les caprices, mais aussi la générosité de Mado Point. L'histoire par exemple de ces deux clients arrivant pour déjeuner à 14 heures : « Désolé messieurs, mais il est trop tard. - Oh, donnez-nous, n'importe quoi. - Messieurs, si vous voulez n'importe quoi, vous n'avez qu'à aller n'importe où ! »

Son charisme, son sens de l’accueil et sa personnalité méridionale, lui apportèrent la notoriété et la reconnaissance du monde gourmand. Le 8 juillet 1986, le journal le Monde titrait : « Mort de la restauratrice Mado Point : La célèbre restauratrice Marie-Louise Point est morte à l'âge de quatre-vingt-huit ans, le samedi 5 juillet, à son domicile de Vienne (Isère). » C’est elle qui a maintenu à Vienne, la religieuse tradition de la qualité. C'est elle qui a veillé, secondée par Félix Benoît, à la publication d’un livre des recettes chères au disparu, Ma Gastronomie. Ce livre, elle le signait le 12 décembre 1969 à la librairie Flammarion. Tous ceux dont elle pouvait souhaiter la présence étaient là : les frères Troisgros venus de Roanne ; les frères Blanc, de Thoissey et de Vonnas, Paul Bocuse, André Pic de Valence et bien d’autres.

Marie-Louise Paulin, notre compatriote ardéchoise originaire de cette bonne cité de Saint-Félicien qui m’est chère, a fait honneur à la France, elle méritait bien son portrait et peut être aussi son nom sur une rue du village !

Jean Roquebrun

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