Ardèche au beurre, Ardèche à l'huile

L'Ardèche au beurre, l'Ardèche à l'huile

 

Il s’agit d’une opposition classique : la matière grasse divise l’Ardèche en deux.

 

Au moment du découpage de la France, chaque préfecture devait être au centre d’un département assez carré, voire rond, de façon à ce que tous les habitants puissent aller et revenir à cheval en une journée. L’Ardèche échappe à cette approche. Avec ses 140 kilomètres de haut en bas, elle ressemble plutôt à un menhir. De l’extrémité nord, aller à Privas et revenir en une journée sur une monture, soit en passant par la montagne, soit en faisant le tour par la vallée du Rhône, est un défi très difficile à réaliser.

De cette longueur impressionnante du département, il en résulte des paysages, des cultures et des reliefs très variés. Le nord-ouest du département est vert, avec un plateau à plus de 1000 mètres de haut en moyenne, idéal pour l’élevage des bovins. Dans ce climat montagnard, les oliviers ne poussent pas, mais des vaches produisent un lait de qualité qui, une fois baraté, devient la matière grasse de base. Les Ardéchois ont surnommé cette partie l’Ardèche au beurre. À l’inverse, dans la partie sud qui commence sous Aubenas, quasiment pas de vaches, mais des oliviers et de la vigne poussant dans un climat méditerranéen avec des paysages de garrigue. La matière grasse étant fournie par ces oliviers, la région est appelée l’Ardèche à l’huile.

Ces deux mondes sont bien différents. Mais où se trouve la frontière qui les départage ? En fait, c’est l’altitude qui la détermine : la limite se situe aux alentours de 200 mètres. Cependant, une fois de plus, il faut nuancer : autour d’Aubenas, en allant vers le sud, il peut arriver que l’on voie des oliviers dans un champ et des bovins qui paissent dans celui d’à côté. La ligne de démarcation n’est pas brutale, l’huile et le beurre se mélangeant dans une zone intermédiaire.

D’autres éléments marquent la différence entre le sud et le plateau : ainsi, jusqu’à 800 mètres environ, les toits sont recouverts de tuiles romaines, mais dès que l’on monte en altitude, des lauzes étaient utilisées. Comme dans ce cas, il faut une charpente supportant 500 kilos au m² (sans compter le poids de la neige l’hiver !), beaucoup de maisons étaient recouvertes par un matériau plus simple, les genêts. Il en existe encore une aujourd’hui, grâce à l’association Liger (la Loire en latin) qui se bat pour que ces toits de chaume ne disparaissent pas.

Cette ligne informelle changeant la physionomie du département est donc invisible ; deux mondes dans un seul département. Avec une telle variété, ne devrait-on pas utiliser comme pour les Landes ou les Yvelines, le pluriel et dire : les Ardèches ?