UN CHÂTEAU À SAUVER EN URGENCE !
Pauvre château de la Tour, à Saint-Pierreville. Il avait bien connu une période difficile dans les années 80. Abandonné, l’intérieur avait été pillé, mais la reprise par un couple de Belges dans les années 90 semblait lui avoir donné une nouvelle vie. La première chose qu’avait faite les nouveaux propriétaires avait été de changer cinq cents carreaux que des gamins s’étaient amusés à dézinguer.
Deux décennies plus tard, un néerlandais rachète la propriété. Chambres d’hôtes, gîtes, accueil : un projet devenu classique dans la région. Seulement voilà : il est bien de vouloir faire vivre un tel lieu, mais cela ne doit pas empêcher de payer ses impôts. En décembre 2016, après de longs déboires et une descente commune des polices françaises et néerlandaises, l’homme met le feu au château et accueille les pompiers à coup de chevrotines qui ne peuvent arrêter l’incendie. Puis dans la foulée, il se suicide.
Plus de propriétaire, un château en ruine : il reste les murs, mais la quasi-totalité du toit s’en est allée vers le ciel. Les bonbonnes de gaz que contenait la tour sud ont explosé, fragilisant des pierres.
Les assurances ? quand on met le feu chez soi volontairement, elles ne fonctionnent pas. Les héritiers n’ont pas voulu reprendre ce qu’il restait de l’édifice. On les comprend : non seulement le bâtiment est devenu dangereux, mais le propriétaire a laissé une ardoise de 120 000 euros dans une banque des Pays-Bas, la Coopérative Rabobank Goudarak UA, qui aimerait bien récupérer ses billes. En France, quand il n’y a plus de propriétaire, c’est l’Etat qui confisque le cadeau, par le biais d’un établissement public peu connu, l'AGRASC (Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués). Cette dernière a déjà vendu les hectares qui entouraient le château. Mais il reste deux parties : la ferme attenante estimée à 60 000 euros par le Domaine, qui a échappé au massacre mais qui nécessite de gros travaux, et le château dont l’estimation dépend de la classification qui reste à faire : si le château est jugé reconstructible, il est évalué à 120 000 euros, mais s’il devient une carrière de pierres, l’estimation baisse à 60 000 euros. Le calcul est simple : au minimum, l’AGRASC cherche à récupérer 120 000 euros, la somme que demande la banque qui a fait le prêt. Mais la conservation du lieu n’est pas la priorité.
Les élus fraîchement élus de Saint-Pierreville vont essayer comme ils peuvent de dénouer cette impossible affaire. L'AGRASC est même prête à leur « offrir » la ruine. Mais sans un financement des pouvoirs publics à toutes les échelles, le cadeau est empoisonné. Et avec la Covid-19, les priorités risquent forts d’être ailleurs.
Espérons que les différentes instances concernées, la DRAC (Direction Régionale des Affaires Culturelles), l’Etat, la Région, le Département, le Parc des Mont d’Ardèche, la Fondation du Patrimoine, les associations patrimoniales, comme la Sauvegarde des monuments d’Ardèche, la banque hollandaise qui pourrait faire un effort pour gommer une partie de ce qui lui est dû, vont rapidement se mettre autour d’une table pour mettre en place l’urgence qui s’impose : mettre le château hors d’eau, comme cela s’est fait pour le château de Crau, à Genestelle.
De façon incompréhensible, le château de la Tour, pourtant médiéval, n’est pas classé. Une procédure d’urgence, celle qui a permis de classer et de sauver par exemple la halle de Reims en quelques semaines n’est-elle pas envisageable ? Le château pourrait alors de nouveau voir l’avenir.
Dans l’autre Saint-Pierreville (Saint-Pétersbourg), en Russie, après que le Palais d’Hiver a brûlé pendant trois jours en décembre 1837, il a été complètement réhabilité. A Saint-Pierreville, en France, on souhaite au château de la Tour un sort comparable : se transformer en Phoenix pour renaître de ses cendres.
Benoit Pastisson
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