Vignoble Ardéchois - Source Vins d'Ardèche

L’EXPORTATION DES VINS FRANÇAIS AUX ÉTATS-UNIS


Les récents tweets du président américain sur l’avantage compétitif donné au vin français sur le marché américain ont attiré l’attention sur ce marché essentiel.

Voici quelques éléments factuels :

 

Le marché américain :

Les États-Unis sont le premier consommateur mondial, en valeur, de vins et spiritueux et, ce, depuis 2010. Ce sont également les premiers importateurs de vin en valeur.
Le journal Les Echos dans son édition du 21 novembre dernier précise « La locomotive américaine : les États-Unis sont devenus les premiers consommateurs de la planète avec 32,6 millions d’hectolitres. Les yeux sont braqués sur ce marché où la consommation par tête reste encore faible (12,4 litre par tête contre 51 litres en France) ».
Les Américains consomment principalement des vins tranquilles qui constituent environ 86% du marché du cépage. La moitié des vins consommés sont des vins blancs. 74% de la consommation provient des vins domestiques. 66% proviennent du seul Etat de Californie. Toutefois, la part des vins importés ne cesse de progresser.
L’offre française :
En 2017, la France occupe la première place avec 35% des parts de marché du vin en valeur (les premiers exportateurs en volume sont les Italiens). Les États-Unis sont le premier marché pour les exportations françaises de vins, soit 4,4 milliards d’euros.
Les rosés et les vins effervescents ont connu une croissance exponentielle en 2016. La France est le premier fournisseur de vin rosé avec plus de 51% de parts de marché.

 

L’accès au marché :

La législation est complexe. C’est sans doute la vraie barrière à l’entrée avant les droits de douane et les taxes comme nous le verrons dans l'exemple plus bas.
Les États-Unis sont un état fédéral. À la réglementation fédérale viennent s’ajouter les règles appliquées par chaque Etat.
Au niveau fédéral, les lois et règlements applicables aux vins sont, pour l'essentiel, de la compétence de l'administration du Alcohol and Tobacco Tax and Trade Bureau (T.T.B.).
Les principales attributions du T.T.B. sont les suivantes :
• Contrôle de la qualité des produits (échantillon et analyses),
• Attribution des licences d'importation,
• Approbation des étiquettes,
• Approbation des appellations d'origine,
• Collecte des taxes fédérales.
L'approbation des étiquettes est particulièrement contraignante. Le « Certificate Of Label Approval », le COLA, est le passeport des vins exportés. Il doit être obtenu par l'importateur, ce qui peut impliquer des analyses d'échantillons (vérification, par exemple, du taux de sulfites autorisés).
Des mentions obligatoires en anglais sont également imposées sur les étiquettes : teneur en alcool, colorants, sulfites, etc…
Au niveau étatique, chacun des Etats a ses propres lois qui viennent, le plus souvent, augmenter les contraintes de la loi fédérale.
Ces deux niveaux de législation tendent à créer une très grande hétérogénéité des différentes réglementations applicables. Il existe des Etats, appelés « Control States », dans lesquels le gouvernement est très impliqué dans la distribution et la commercialisation des boissons alcoolisées. Cela peut aller jusqu’au statut de monopole d’État comme c’est le cas en Pennsylvanie. Heureusement la majorité des Etats sont libres. On les appelle les « open states » où la distribution et la commercialisation du vin sont moins contraignantes.

 

Le système de distribution appelé « des trois tiers » :

Toute boisson alcoolisée doit passer par trois intermédiaires avant de pouvoir atteindre le consommateur final. Ce système, nommé le « Three Tier System », permet aux Etats de réglementer l’activité des trois catégories d’acteurs présents sur le marché à savoir : les importateurs, les distributeurs (grossistes) et les détaillants.
Chacun de ces acteurs doit être titulaire d’une licence spécifique. La licence d’importation octroyée par le T.T.B. est valable sur l’ensemble du territoire américain mais ne permet pas de distribuer directement du vin dans les Etats. Dans ces derniers, la distribution du vin est confiée à des distributeurs qui ont des licences délivrées par chaque Etat. Les distributeurs livrent finalement les produits directement aux détaillants ou à la restauration.
Concrètement, pour un exportateur français, il convient de collaborer avec au moins un importateur au niveau fédéral et un nombre variable de distributeurs installés dans les différents Etats pour commercialiser son vin. Le recours à l’importateur est incontournable, il est strictement illégal pour un producteur français de procéder à des ventes directes sur le marché américain.
Conséquences sur la structure des prix :
Dans son excellente étude sur le marché du vin aux Etats-Unis, le bureau de « Business France », à New-York, analyse les conséquences réelles de cette « cascade » pour un exportateur Français qui vend du vin à New-York :
• Prix d'une bouteille sortant du domaine du viticulteur (on dit ex-chaix) : 4€. Cela fait 48€ pour une caisse (12 bouteilles) soit, selon un taux de change moyen, environ 66$ avant exportation par bateau (on dit FOB « Freight on board »).
A cela viennent s'ajouter :
• Le transport, les assurances et l'entreposage : 16 $
• Les droits de douane et autres droits fédéraux (droits dits « d'assise ») : 4$
• Soit un prix payé par l'importateur de 86$ par caisse.
• L'importateur puis le grossiste appliquent chacun une marge de 30%. A l’issue de toutes ces étapes, le prix final du produit livré au détaillant sera au moins de 138$ la caisse.
Ce dernier appliquera en général une marge de 45% à laquelle viendra s'ajouter la « sales taxe » de New-York (un peu comme notre TVA), qui est de 8.75%.
A la fin de cette cascade, le consommateur américain mettra sur sa table une bouteille qui lui aura coûté 18$ ! Le multiplicateur par rapport au prix ex-chaix français est en moyenne de 3.5 à 4 sur le marché américain.
Ce multiplicateur est donc dû essentiellement à une réglementation qui multiplie volontairement les intermédiaires. Le marché français a peut-être des droits de douane plus élevés mais il n'impose pas un tel parcours du combattant aux exportateurs américains. Mais c'est un autre débat !

 

Les opportunités pour les viticulteurs français :

Malgré ce protectionnisme de fait, nos opportunités sont nombreuses.
L’intérêt grandissant pour les vins importés va de pair avec l’augmentation des ventes de vin d’assemblage. La demande se concentre de moins en moins sur le sol et les cépages et prend en compte des éléments tels que l’appellation, le terroir ou le processus d’élaboration s’il est atypique.
La consommation de rosé continue de progresser. La saisonnalité des ventes se fait de moins en moins ressentir, surtout dans le sud des États-Unis. La progression des ventes de rosé ne se fait pas à l’encontre d’autres types de vins et participe à l’augmentation générale de la consommation. Pour les vins tranquilles comme pour les effervescents, les prévisions de croissance sont très favorables. Pour les vins tranquilles, l’estimation de la consommation en 2020 est de 2,758 MD$ soit un taux de croissance annuelle moyen de 3,5 %.

 

L’approche commerciale :

Les vins français bénéficient toujours d’une grande notoriété mais l'argumentaire commercial doit s'adapter à l'évolution du goût du consommateur et aux modes telles que l'engouement récent pour le rosé.
Les millenials* sont devenus des amateurs de vins. Ils recherchent la nouveauté. Les cavistes sont à la recherche de vins originaux et de terroirs et appellations atypiques.
Les importateurs veulent diversifier leurs sources et, à prix égal, privilégient souvent l'originalité. Il y a donc des places à prendre.

 

Opportunités pour les vins de l’Ardèche :

Quelques viticulteurs sont déjà présents sur le marché américain : les Chaves, les Courbis, les Gallety, les Voge et quelques autres…
Il est vrai que, depuis quelques années, les consommateurs américains apprécient les Côtes-du-Rhône.
Ils ont été aidés, d’une part, par une publicité rédactionnelle, notamment celle du critique Robert Parker, et, d’autre part, par un excellent rapport performance/prix quand on les compare aux vins de Bordeaux ou aux grand crus de Bourgogne. Le talent et l'excellence de nos viticulteurs ont fait le reste et nos Côtes-du-Rhône sont devenus très populaires aux États-Unis.
D'autres opportunités s'offrent à notre département avec une approche régionaliste à mettre en avant et une notoriété à développer.
Par exemple, les États-Unis se tournent de plus en plus vers les vins issus de l’agriculture biologique, ce qui devrait considérablement aider les viticulteurs ardéchois pratiquant ces techniques et leur entrouvrir les portes de ce marché. Toutefois les vins biologiques doivent obtenir pour entrer aux États-Unis une certification NOP (National Organic Program) délivrée par le ministère de l’agriculture (USDA). Ces règles et les organismes habilités à délivrer cette certification figurent sur les sites du USDA.

 

Comment s’implanter sur le marché Américain ?

Business France est la structure issue de la fusion d’UBI France et de l’Agence Française pour les investissements étrangers. Cette agence a pour but d’aider les entreprises Françaises à s’implanter sur les marchés étrangers.

Pour le marché viticole aux États-Unis, deux études ont été publiées qui m’ont servi de source pour cet article :

  • « Le marché des vins aux États-Unis » publié par le bureau de New-York en septembre 2016 avec une récente mise à jour cette année,
  • « Réglementation Fédérale des vins et spiritueux aux États-Unis » publié en mars 2018.

 

Ces études sont disponibles sur le site :
https://export.businessfrance.fr/etats-unis/bureaux-etats-unis-a-votre-service-a-l-export.html.


L’équipe de Business France notamment celle de San Francisco dirigée par Manilay Saito, chef du Pôle « Vins, Bières et Spiritueux » peut permettre d’établir les premiers contacts et conseiller les entreprises pour se lancer sur ce marché : manilay.saito@businessfrance.fr

*millenial = personne née dans les années 2000

Philippe Auzas

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