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Les châtaigniers et le dérèglement climatique

Avec un titre pareil on pourrait s’attendre au pire. Erreur.
La saison a été globalement satisfaisante. À quelques nuances près selon les variétés, la quantité de châtaignes comme leur qualité étaient au rendez-vous.
Les castanéiculteurs peuvent donc souffler, les châtaigniers en revanche beaucoup moins.

L'été a été chaud, très chaud et surtout sec, trop sec. Ses fulgurances caniculaires mêlées à un déficit hydrique exceptionnel ont été ressenties dans le monde agricole comme un nouveau coup de semonce. Les châtaigniers n'étaient pas épargnés. Pas tous. Tout au moins pas de la même manière. Les châtaigniers ne sont pas égaux face à ces épisodes climatiques. Dans la vallée de la Thines par exemple, en basse Ardèche, 18 variétés de châtaigniers sont répertoriées. Chacune a son "ADN". Tous ces arbres aux feuilles fagacées se répandant en harmonie dans le relief de cette étroite vallée ne sont donc pas promis au même destin. Certains ne s’accommodent pas d’une chaleur persistante mêlée à un manque d’eau chronique quand les autres en revanche révèlent une résistance évidente. L’enjeu est donc de savoir pointer leurs nuances. Ainsi tous les producteurs s’attellent désormais à mieux comprendre leurs arbres. De l’observation de leur comportement, du suivi de leur évolution au cours des saisons, de leur attention quasi permanente dépend l’avenir de leur production. Et plus généralement du devenir du châtaignier en Ardèche.


Différentes variétés de châtaignes 

Jean-François Lalfert, producteur Le Bois de Belle avait invité au début du mois une douzaine de ses confrères des exploitations de la région. Ils étaient là pour partager leur expérience. Tous parlaient de leurs arbres comme un berger de son troupeau. Leur rapport passionnel avec leur châtaigneraie était évident. Georges écrit des poèmes sur ses arbres. Jean-Charles se dit atteint par un « véritable virus depuis qu’il les observe. » Aucun n’oserait couper l’un d’entre eux. Mais au-delà de ce rapport affectif tous admettent l’importance de l’identification des variétés capables de résister au dérèglement climatique. Il s’en suivit une énumération exhaustive de toutes ces variétés : la Combale dont les besoins en eau hypothèquent fortement son devenir dans le département, l’Aguyane en revanche qui sait attendre la pluie, la Petite Pourette appréciée pour ses qualités gustatives, la Bétizac, la Bouche Rouge... Chacune était accompagnée de leur commentaire respectif en fonction de leur condition d’exploitation. Et les différences ne manquaient pas. La châtaigneraie de Marie Christine s’étire sur un parterre plat fait de granit et de galets le long du Chassezac quand celle de Jean-François évolue en altitude sur une terre riche en sédimentation. Soeur Nicodimi du monastère de Solan précise que son domaine au contraire culmine seulement à 195 m offrant une production plutôt tardive mais toujours de qualité. Nadine de son côté souligne avec enthousiasme que « ses arbres sont en pleine forme », « ils n’ont jamais eu autant de feuilles. » Les nuances se sont ainsi multipliées rendant toute synthèse prématurée.


Tous les participants à cette conférence

Au terme de ces échanges les intervenants ont avant tout reconnu la nécessité d'une approche plus scientifique de leur méthode pour entretenir leurs arbres. Jean-François leur a rappelé qu'elle était déjà en chantier.
Un projet de recherche nommé ROC-CHA, en collaboration avec le CNRS auquel se sont joints le Syndicat National des Producteurs et la Chambre d'Agriculture, devrait permettre de réelles avancées. Il concerne 3 sites dans le département dont la vallée de la Thines. Son cahier des charges est exigeant. Les relevés de température, de pluviométrie, comme l’hygrométrie sont devenus des marqueurs indispensables. L'enregistrement des dates de floraison, de débourrage, de même que des prélèvements tout au long de l’année des déchets tombant des arbres sont recueillis. Le CNRS analyse ainsi à quel moment ou dans quelle situation l’arbre réagit bien ou au contraire montre des signes de faiblesse. Cette somme de données a pour
finalité de mieux cerner toutes les caractéristiques qui détermineront les variétés promises à un avenir.


Sur une table, différentes variétés de châtaignes

On a compris que les châtaigniers ardéchois sont à un tournant de leur longue histoire, mais on sait aussi que cette longue histoire a connu bien des atermoiements à travers les siècles. Les attaques de parasites ne l’ont pas épargné, des maladies
dévastatrices semblaient devoir le terrasser, mais chaque fois cet arbre providentiel a su résister s’imposant toujours comme une des premières cultures fruitières du département.


Jean-Marie Bayle

 

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