La forêt Ardéchoise et le changement climatique
Sécheresses, canicules, tempêtes, épidémies, incendies… autant de mots répétés par tous pour décrire le changement climatique qui affectera durablement nos écosystèmes forestiers.
La forêt ardéchoise, dont la surface a cru de plus d’un tiers en moins de 40 ans, couvre désormais 55% du territoire. Détenue à 90% par des particuliers, elle est toutefois très morcelée, située souvent en sentiers escarpés et difficiles d’accès. En conséquence, elle souffre d’une faible exploitation et sa production en bois est très basse puisqu’elle ne représente que 20% de la croissance annuelle de ses arbres.
Ces contraintes lourdes sont un handicap dans la période d’évolution climatique en cours. Les experts de l’État (GIEC) prédisent une augmentation de la température moyenne annuelle de 2% à l’horizon 2040 par rapport aux moyennes du début du XXIe siècle, avec des températures extrêmes en fortes hausses accompagnées de périodes de sécheresse plus fréquentes.
Ces évolutions impactent le fonctionnement de la vie des arbres à des degrés divers, mais aucune essence n’est épargnée.
La forêt est capable de résister face à ce stress, mais les attaques parasitaires d’insectes, de champignons ou de maladies mettent à l’épreuve les peuplements dont les plus fragiles présentent déjà des signes de difficultés et de mortalité.
Le risque d’incendie s’accroît particulièrement dans les secteurs nombreux où la forêt n’est pas assez entretenue, car les propriétaires de surfaces modestes ne peuvent faire face aux coûts de débroussaillement et parfois ignorent même où se trouve leur propriété. L’été 2022 a été ravageur en Ardèche et 2000 hectares ont brulé. Toutefois, la remarquable organisation du SDIS (Service départemental d’incendie et de secours) en matière de prévention comme de maîtrise des feux a permis d’éviter toute atteinte aux personnes, aux habitations, aux locaux professionnels et même aux forêts de qualité. Hommage soit rendu à ces équipes valeureuses et professionnelles !
Désormais, assurer la résilience des peuplements de demain requiert le travail conjoint de tous les acteurs de la filière forêt bois avec l’appui du monde de la recherche et du monde politique. À l’heure des défis climatiques et sociétaux, tous les propriétaires publics et privés doivent s’impliquer dans la gestion durable, seul gage d’avenir.
Les actions qui vont être menées en Ardèche par le syndicat des forestiers privés (Fransylva 07) et par le CRPF, en lien avec la forêt publique, les représentants de l’État et les élus s’articuleront autour des 3 rôles majeurs de notre forêt :
- décarboner l’économie en profondeur avec le développement de l’usage des bois pour lutter contre le CO2, principal responsable du réchauffement. Ceci passe par la séquestration de celui-ci en forêt, puis par le stockage dans les produits en bois et enfin par la substitution du bois aux énergies fossiles ou aux matériaux énergivores ;
- adapter les forêts aux changements du climat pour préserver leur fonction de production de bois de protection de la diversité, de l’eau et de la prévention des risques ;
- assembler l’ensemble de la filière et des habitants du département autour de ce projet commun.
Ce programme est d’autant plus lourd que les contraintes sont grandissantes dans les domaines économiques, d’accès aux exploitations, du manque de bucherons, d’un équilibre précaire au niveau énergétique et de l’émergence de pratiques « peu citoyennes » affectant les forestiers…
Mais les demandes du marché, comme de la société sont de puissants incitateurs à l‘action ! La remontée des prix de la matière première, le niveau jamais atteint antérieurement des aides à la plantation et à l’entretien, la recherche de compensation des grands groupes émetteurs de CO2, la prise de conscience citoyenne et étatique sont des signes très encourageants. Après des années difficiles, le changement climatique est un révélateur porteur de renouveau.
Les forestiers habitués à l’action dans la durée sauront dynamiser la gestion durable et maintenir la diversité des sylviculteurs et des usages de tous les bois afin que vivent toujours mieux la forêt ardéchoise, ceux qui l’aiment et ceux qui la font vivre.
Gérard Chaurand