LA SOEUR ET LE MAIRE DE BOUCIEU-LE-ROI
Un exemple d’union sacrée pour le patrimoine vernaculaire
Non, ce n’est pas un nouvel épisode de « Don Camillo », mais la rencontre à Boucieu-le-Roi d’une soeur Ch’ti et d’un maire Viking ! Pas de querelle de clocher entre ces deux personnages mais un partenariat efficace et détonnant dans ce village ardéchois qui a conservé des traces remarquables de son brillant passé, le pont du Roy, la maison du Bailli et l’église, petit joyau d’art roman et gothique.
Soeur Marie-José, mère supérieure de la congrégation des religieuses du Saint Sacrement fondée par le Bienheureux Pierre Vigne et le maire Patrick Fourchegu responsable du réseau « Villages de caractère de l’Ardèche » travaillent de concert pour la promotion, l’embellissement mais avant tout, la conservation du patrimoine de Boucieu-le-Roi.
Un peu d’histoire...
En 1291, en compensation d’importants privilèges, Gérenton de Saint Romain seigneur local, fait don du village à Philippe Le Bel. Le roi de France y installe une Cour Royale de Justice ou « Baillage », pour tout le Haut Vivarais depuis la vallée de l’Eyrieux jusqu’au nord de l’actuel département. Aux XVème et XVIème éclatent, la guerre de cent ans puis les guerres de religion ; François Ier transfère le Baillage à Annonay. Boucieu-le-Roi perd alors de sa notoriété.
Au début du XVIème siècle, lors d’une promenade dans ce village niché au coeur de la vallée du Doux, Pierre Vigne est saisi par la « conformité » topographique de Boucieu avec les lieux saints de Jérusalem ; il ne s’agit pas d’une similitude parfaite entre Jérusalem et Boucieu mais d’une « ressemblance morale et mystique».
Ce prêtre évangéliste né à Privas en 1670, conçoit alors le projet de bâtir un chemin de croix « Le voyage du calvaire » (39 stations-chapelles). Le Serviteur de Dieu suscite l’enthousiasme et la participation de son entourage ainsi que celle de paysans de quinze paroisses voisines, pierres, tuiles, poutres, etc. affluent, avec les écus des uns, les bras et le temps des autres.
Après le gros oeuvre, Pierre Vigne fait venir de Tournon l’artiste peintre Sévin pour les tableaux représentant un moment particulier de la Passion et, de Lyon, le sculpteur Dumont pour sculpter le Christ du Calvaire et du sépulcre. Rondement menés, les travaux sont réalisés en quelques mois.
Edifié avec ou sans édicule, dans l’église ou en dehors, constitué de trente stations de la Passion et neuf surnuméraires, ce chemin de croix est un chemin pascal qui conduit de la Cène à Pâques et à Pentecôte.
À la Révolution française en 1789, les stations du chemin de croix sont entièrement détruites. Reconstruites en 1883, elles seront restaurées en 1918 puis en 1965 où les chapelles reçoivent les sculptures en relief actuelles de Dante Donzelli. Sur l’ensemble des stations originelles, quatre n’ont jamais été retrouvées.
Le Vendredi Saint, de nombreux chrétiens suivent ce chemin. De station en station, cette promenade dans la campagne ardéchoise qui se termine au calvaire de la Maison Pierre Vigne, fait revivre une histoire vieille de plus de 2.000 ans.
Hélas, les chapelles construites contre des maisons ou dans des terrains privés ne sont pas protégées ! La soeur et le maire ont engagé des demandes auprès des autorités compétentes pour faire inscrire les édifices du chemin de croix à l’Inventaire des Monuments Historiques.
Soutenons ces démarches car ces constructions, conçues par Pierre Vigne dans un style « ni pur, ni châtié » avec des exemples familiers et des images empruntées au monde rural, sont exceptionnelles et uniques.
L’union fait la force !
• la soeur Marie-José animée par sa foi, fait vivre la Maison Pierre Vigne : exposition de crèches du monde, pèlerinages, concerts...
• le maire Patrick Fourchegu entièrement mobilisé pour promouvoir, préserver et protéger les ouvrages anciens de Boucieu, outre le chemin de croix en appelle à Stéphane Bern pour rénover l’ancien presbytère qui s’écroule !
… et pour ce faire, malgré la séparation de l’Église et de l’État, nos deux complices ont l’audace de s’unir pour créer des évènements qui rassemblent chaque année de nombreux visiteurs à Boucieu-le-Roi.
Odile Rousson Prévost
Réf.: "Pierre Vigne en chemin avec les humbles", Annie Gérest,
éditions nouvelle cité
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