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Juste parmi les Nations en Ardèche

Avec sa faible densité et ses montagnes, le département se prêtait bien pour cacher des Juifs pendant la guerre. Beaucoup ont été sauvés par des habitants.

Le sauvetage des Juifs fait d’abord penser dans le Massif central au Chambon-sur-Lignon, petite ville de Haute-Loire limitrophe de l’Ardèche.
Environ trois mille ont échappé au camp de la mort grâce aux habitants.
Normalement, le titre de Juste est attribué à des individus, mais il existe cinq exceptions dans le monde : la distinction a été donnée à l’ensemble du village du Chambon-sur-Lignon, à celui de Nieuwlande aux Pays-Bas, au réseau polonais d'aide aux Juifs Zegota, à la grève de février 1941 à Amsterdam et à l’ensemble de la Résistance danoise qui a sauvé l’intégralité de la communauté juive du pays.

Mais qu’est-ce qu’un Juste ? En 1953 est créé le mémorial de Yad Vashem, l’institut international pour la mémoire de la Shoah, consacré aux victimes de la Shoah. Il décide d’honorer « les Justes parmi les Nations qui ont mis leur vie en danger pour sauver des Juifs ». Ce n’est qu’à partir de 1963 que le mémorial enclenche une politique d’identification des « Justes ». Le Yad Vashem s’appuie sur des critères précis, principalement des témoignages.
Le futur Juste doit « avoir apporté une aide dans des situations où les Juifs étaient impuissants et menacés de mort ou de déportation vers les camps de concentration, avoir été conscient qu’en apportant cette aide, il risquait sa vie, sa sécurité ou sa liberté personnelle et n’avoir recherché aucune récompense ou compensation matérielle en contrepartie de l’aide apportée. » Une personne reconnue comme « Juste » reçoit une médaille à son nom, un diplôme officiel, une pension mensuelle et son patronyme est gravé sur le Mur d’Honneur dans le « Jardin des Justes » de Yad Vashem en Israël. Des aides sanitaires et sociales lui sont aussi accordées ainsi qu’à son conjoint. Un « Juste » en difficulté est aidé par la « Fondation juive pour les Justes ». Enfin, le Fonds Anne Frank prend en charge tous frais médicaux. Juste parmi les Nations est la plus haute distinction honorifique délivrée par l'État d'Israël à des civils. Toujours au Chambon-sur-Lignon, quatre-vingts Justes ont été honorés à titre individuel. La commune était à la veille de la guerre très majoritairement calviniste. Cette communauté a beaucoup aidé les Juifs. D’ailleurs, onze pour cent des Justes de France sont protestants alors qu’ils ne représentent que trois pour cent de l’ensemble de la population. Et puisqu’on est dans les chiffres, notons que soixante pour cent des Justes sont des femmes.

Des Ardéchois ont aussi été distingués du titre de « Juste parmi les Nations » décerné par le Yad Vashem. Les 55 justes reconnus (dont 2 nouveaux depuis mars 2022) ne sont pas concentrés dans une ville, mais dans des communes disséminées partout dans le département. Certaines se trouvent sur le plateau, d’autres dans la vallée du Rhône, certaines sont des villes, d’autres des petits villages. L’implantation des Justes montre que des Juifs se cachaient partout en Ardèche pendant la guerre. C’est à Saint-Sauveur-de-Montagut que l’on trouve le plus de Justes : neuf, répartis dans cinq familles. Quant aux cachés du Chambon-sur-Lignon, ils débordaient sur l’Ardèche : quatre Justes sur Devesset, trois sur Intres.
Une précision tout de même : beaucoup d’anonymes n’ont jamais été déclarés comme Justes. Ceux qui ont sauvé des Juifs ne sont pas tous répertoriés par le mémorial de Yad Vashem. Mais la liste n’est pas close, des demandes se font encore. Malheureusement, avec le temps, les témoins sont de moins en moins nombreux.

N’oublions pas tout de même que beaucoup de Juifs ont été déportés d’Ardèche ; leur nombre est inconnu, mais plusieurs rafles donnent déjà quelques indications : une massive a eu lieu le 26 août 1942. Les 135 déportés ont tous été exterminés. À Alboussière le 18 février 1944, 57 juifs ont été arrêtés. Aucun ne reviendra. À Vernoux, le 13 avril 1944, sur 11 personnes déportées, cinq ne reviendront pas. Personne ne sait aujourd’hui quel est le nombre de familles juives dans des villages ayant été arrêtées.

Changeons d’échelle et regardons par pays. Celui qui avait le plus de Justes au premier janvier 2021 est celui qui détenait avant-guerre le plus de Juifs : 7177 décorés en Pologne. Viennent ensuite les Pays-Bas (5910) la France (4152) et l’Ukraine (2673).

À Paris un député de l’Ardèche, Xavier Vallat, a pris la tête du Commissariat général aux questions juives en 1941. Il a organisé le second statut des juifs, très restrictif ainsi que leur recensement qui facilitera l’organisation des rafles. Il a également créé la loi du 22 juillet 1941 qui organisa l’appropriation et la liquidation des biens juifs par le régime de Vichy. Ardèche, terre de contraste !

Benoit Pastisson

 

Qui a-t'il de plus Juste que l'Amour ? 

Entre les Justes cacheurs et les Juifs cachés, de belles histoires se sont parfois nouées…

Les deux derniers Ardéchois à ce jour ayant reçu la distinction de Justes parmi les Nations - en mars 2022 - méritent que leur histoire soit racontée.
Herminie et Maurice Delubac vont cacher chez eux, au Cheylard, en février 1944 André Samuel et son fils Jean âgé de 20 ans. Les deux hommes s’étaient enfuis précipitamment de Nice après l’arrestation de la femme d’André, de leur second fils alors âgé de 17 ans et des beaux-parents d’André, Jules et Pauline.

Ils avaient été dénoncés par un collaborateur étant tailleur de profession et ayant agi ainsi afin de ne pas avoir à payer une échéance commerciale à Jules, un marchand de tissus originaire du Nord de la France. Ce délateur avait organisé un traquenard via un rendez-vous pour soit disant régler sa dette. À la Libération, il a été condamné à 20 ans de travaux forcés. Il semble qu’il ait purgé toute sa peine. Il est mort en 1975 à Antibes.
Après avoir été parqués dans un hôtel de Nice, les quatre personnes arrêtées ont été transférées à Drancy d’où elles ont été déportées le 10 février 1944 par le convoi 68. Aucune n’est revenue d’Auschwitz où elles ont été gazées dès leur arrivée trois jours après, le 13 février.
Une incertitude existe : il est possible que les beaux-parents d’André, très âgés, soient décédés pendant le voyage de déportation. En tout cas, André perdait d’un coup ses beaux-parents, sa femme et l’un de ses deux fils.

La suite de l’histoire est heureusement plus joyeuse. Jean, donc le fils d’André, et Josette, la fille d’Herminie et de Maurice, se sont épris l’un de l’autre. En 1951, six ans après la fin de la guerre, ils se sont mariés et ont eu deux enfants, Madeleine en 1952, et Jean-Michel en 1956. Ainsi, l’horreur de la guerre peut faire naître aussi des passions. On peut être la fille de parents Justes et devenir juste amoureuse.

Maurice est décédé en 1976 à 83 ans, Herminie en 1969 à l’âge de 71 ans, leur fille Josette en 2011, mais Jean vit toujours. Il a actuellement 98 ans et habite toujours au Cheylard. Enfin Jean-Michel est un pilier
de l’Amicale. Nous félicitons toute la famille pour la distinction qu’ils viennent de recevoir.

Benoit Pastisson

 

Liste des Justes ardéchois en septembre 2022

Les 55 Justes parmi les Nations de l'Ardèche : 

Lévy Bayle (Alboussière)
Simone Bayle (Alboussière)
Renée Cachard Gimenez (Alboussière)
Émile Chastagner (Aubenas)
Marie Chastagner (Aubenas)
Alice Sérusclat (Baix)
Noémie Dejour (Chalencon)
Samuel Dejour (Chalencon)
Louis Dallière (Charmes-sur-Rhône)
Marie Dallière (Charmes-sur-Rhône)
Gaston Allibert (Châteauneuf-de-Vernoux)
Lina Allibert (Châteauneuf-de-Vernoux)
Daniel Lebrat (Devesset)
Yvonne Lebrat (Devesset)
Léon Morel (Devesset)
Pauline Morel (Devesset)
Alphonse Mazoyer (Genestelle)
Firmin Mazoyer (Genestelle)
Noémie Mazoyer (Genestelle)
Eugénie Brunel (Gilhoc-sur-Ormèze)
Jean Brottes (Intres)
Édouard Picot (Intres)
Judith Picot (Intres)
Georges Vialle (Juvinas)
Noémie Vialle (Juvinas)
Émile Mandon (Lamastre)
Noémie Mandon (Lamastre)
Rosa Ranc (Lamastre)
Henri Martin (Labégude)
Noélie Martin (Labégude)
Hermine Delubac (Le Cheylard)
Maurice Delubac (Le Cheylard)
Albert Pradier (Saint-Agrève)
Lucie Pradier (Saint-Agrève)
Lydie Chapus (Saint-Apollinaire-de-Rias)
André Péatier (Saint-Apollinaire-de-Rias)
Léa Rochedieu (Saint-Apollinaire-de-Rias) (Vernoux-en-Vivarais)
Marie Banc (Saint-Félicien)
Madeleine Tartier (Saint-Laurent-du-Pape)
Roland Tartier (Saint-Laurent-du-Pape)
Berthe Nègre Lantheaume (Saint-Martin-le-Supérieur)
Zoé Nègre (Saint-Martin-le-Supérieur)
Marcel Roux (Saint-Mélany)
André Chave (Saint-Michel-de-Chabrillanoux)
Édouard Vigne (Saint-Pierre-de-Colombier)
Julia Vigne (Saint-Pierre-de-Colombier)
Madeleine Faure (Saint-Sauveur-de-Montagut)
René Faure (Saint-Sauveur-de-Montagut)
Lucien Frachon (Saint-Sauveur-de-Montagut)
Marthe Frachon (Saint-Sauveur-de-Montagut)
Paulette Merland (Saint-Sauveur-de-Montagut)
Paul Merland (Saint-Sauveur-de-Montagut)
Paule Merland (Saint-Sauveur-de-Montagut)
Hortense Rey (Saint-Sauveur-de-Montagut)
Marthe Royer (Saint-Sauveur-de-Montagut)

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