From the Marne to the Rhine 2

Alice à Memphis

 

En octobre dernier, j’ai eu le plaisir de me rendre à la Dixon Gallery de Memphis, ville d’origine du King Elvis Presley, située dans l'état du Tennessee (Etats-Unis) sur les flancs du fleuve Mississippi, pour présenter l’exposition dont je suis commissaire invitée : De la Marne au Rhin, Jean-Louis Forain (1952-1931) et la Première Guerre Mondiale. Le musée privé des Beaux-Arts "The Dixon Gallery", qui abrite la plus importante collection d’œuvres de Jean-Louis Forain aux Etats Unis, a décidé de fêter le centenaire de l’armistice avec une exposition des dessins de presse publiés par le caricaturiste pendant le conflit.

 

Mon ancêtre était le dessinateur et peintre de mœurs le plus adulé de la Belle Epoque. Vedette du dessin d’humour grâce à son esprit tranchant, il débute sa carrière en tant qu'illustrateur de presse à l'âge de 24 ans et publie dans de nombreux journaux comme Le Courrier Français, L’Echo de Paris, Le New York Herald, Le Journal Amusant, Le Rire, Le Temps, L’Assiette au beurre... Sa collaboration avec Le Figaro dure presque quarante ans : il y épingle la classe bourgeoise, le pouvoir -en particulier politique et financier-, et les faiblesses de la justice. Admiré par Toulouse Lautrec et Van Gogh, Forain participe également, à l’invitation de Degas, à quatre des huit expositions impressionnistes de 1879 à 1886. Ses peintures et aquarelles y révèlent subtilement les dessous de la société fin de siècle.

 

Lorsque la première guerre mondiale éclate, il n'hésite pas à s’engager à l’âge de 62 ans dans la nouvelle et innovante section du camouflage de l’armée française. Nommé inspecteur général des équipes de camouflage, l’officier supervise la fabrication de matériaux dans des ateliers et participe à des travaux sur site, tel que l'installation du premier arbre artificiel utilisé comme poste d'observation. Lors de ses interventions sur le front, l’artiste ne manque pas de remplir ses carnets de croquis et noter les expressions qu’il entend pour ensuite les réutiliser dans ses dessins de presse. Les poilus se reconnaissent dans les dessins de Forain et considèrent Forain comme un des leurs.

 

Porté par la volonté de soutenir le moral et le patriotisme des français, l’humoriste féroce publie un dessin par semaine dans les journaux. Plus de 200 dessins sont parus de mi-août 1914 jusqu’au lendemain du traité de Versailles du 28 juin 1919. Dans l’Opinion, le Figaro et le Oui – qui devient l’Avenir après la victoire-, Forain publie des dessins dans lesquels la force simplifiée du trait s'allie à la verve et à la morsure de légendes ramassées. Le style de Forain est une innovation dans le dessin d’humour : il tranche par sa netteté, sa justesse percutante et sa subtile simplicité. Simultanément, des gravures sont tirées à partir des dessins parus dans la presse. La sélection de tirages exposée à la Dixon Gallery de Memphis fait éclater à nouveau la science de la composition et le talent de l’artiste pour capturer le mouvement et le volume avec une ligne épurée. Choisir d’exposer Forain, c’est mettre à l’honneur un message éternel. Ses caricatures dénoncent la cruauté de l'ennemi envers les civils et les destructions délibérées ; elles traitent avant tout d’humanité, fraternité, courage et résilience des peuples malgré leurs grandes souffrances.

 

Pour en savoir plus, le site jeanlouisforain.com est fait pour vous ! 

 

Alice Valdès-Forain

Diplomée d’Audencia et en Histoire de l’Art de la Courtauld Institute de Londres

Business Analyst chez Sotheby’s

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