Blouse blanche et gilet rouge
Jennifer Gay-Le Bars est infirmière à l’hôpital d’Annonay. Cette ancienne Parisienne nous raconte pourquoi elle est devenue ardéchoise.
A 18 ans, ce fut pour moi une évidence, la région parisienne ne me convenait pas. Je suis partie vivre définitivement en Ardèche !
Deux ans plus tard, tout en étant élève infirmière, j’ai intégré le corps départemental des Sapeurs-Pompiers de l’Ardèche. Cet engagement représentait un saut dans l’inconnu.
Maintenant, à 42 ans, j’exerce le métier d’infirmière de nuit au centre hospitalier Ardèche Nord d’Annonay, dans l’unité de gastro-entérologie, addictologie, et soins palliatifs ; j’ai exercé dans d’autres Services : hématologie, urgences, pneumologie, endocrino-néphro-maladies infectieuses. Au cours du confinement, le Covid 19 n’est pas entré dans mon service, mais il était très difficile de gérer concomitamment les soins aux malades et les appels des familles.
En tant qu’infirmière sapeur-pompier au S.D.I.S. de l’Ardèche au centre de Saint Félicien, mon rôle est à l’opposé de mon travail en soins palliatifs ; c’est une autre réflexion et un autre accompagnement qui demandent de l’investissement et d’autres connaissances que celles qu’il faut avoir à l’hôpital. En priorité, je dois effectuer de la prévention et de la pédagogie : visites médicales des Sapeurs-Pompiers, informations, explications, concernant les principes d’hygiène et de soins. Mais évidemment, le second volet de mes tâches concerne les secours aux civils. Le médecin-chef des S.D.I.S. d’Ardèche et de la Drôme me donne le droit d’administrer des médicaments dans un cadre précis et strict. Par ailleurs, j’appartiens à l’unité médico-psychologique du S.D.I.S. de l’Ardèche qui prend en charge les pompiers impactés psychologiquement lors d’interventions.
Les Infirmiers Sapeurs-Pompiers sont de plus en plus demandés du fait de la désertification médicale en campagne et de l’éloignement des unités de Service Mobile d'Urgence et de Réanimation (S.M.U.R.). Je n’effectue pas autant d’interventions que je le voudrais, car mon mari est également Sapeur-Pompier et l’un des deux doit s’occuper de nos trois enfants !
Enfin, monitrice nationale de secourisme, j’enseigne les premiers secours civiques aux civils - P.S.C.1 - bénévolement pour les associations et écoles qui en font la demande. J’ai pu constater la réussite de l’apprentissage du secourisme dès l’école primaire, adapté et avec des cas concrets, par le témoignage positif sur les connaissances et l’aisance des élèves que mes collègues moniteurs retrouvent au collège, et par le bon souvenir que les élèves en gardent des années après. Pour rendre ces séances attractives, un temps de préparation important est nécessaire sans compter mes propres recyclages pour maintenir et perfectionner mes compétences.
Difficile d’accomplir toutes ces activités sereinement ; le métier d’infirmière entraine une forte fatigue psychologique, des doutes, des pleurs, et celui de pompier un épuisement physique. Le fait de garder cette seconde activité n’est pas toujours compris, il m’est même parfois reproché : une femme S.P. devrait s’arrêter dès la naissance du premier enfant ! La société demande encore beaucoup aux femmes, surtout quand elles deviennent mère.
Cet engagement m’a parfois coûté et en même temps m’a beaucoup appris. Dès la formation exceptionnelle que j’ai reçue à l’école nationale des officiers de sapeur-pompier d’Aix en Provence, j’ai tout de suite été passionnée ; les rencontres avec des personnes de tout âge et de tout horizon me correspondaient bien. J’ai eu le sentiment d’entrer dans un rêve de petite fille ! Pendant les gardes avec des pompiers professionnels, j’ai noué des liens avec des enfants et des parents à qui j’ai transmis un peu de mes connaissances et de ma passion.
Nous avons transmis à nos enfants une vision positive : ils sont fiers de nous voir au service des autres : cela les a rendus respectueux et curieux, notamment pour la nature qui nous entoure.