La place Saléon-Terras et l'église du village Le Cheylard, Ardèche  au début des années 1920. Archives départementales de l'Ardèche.

La Banque Delubac &Cie

1924 - 2024, 100 ans d'indépendance, de ténacité et de liquidité

Les premières pierres de cette histoire ont été posées il y a tout juste un siècle. On y discerne le portrait d’un visionnaire discret et les prémices d’une œuvre séculaire. Elle incarne une certaine idée de la banque française, enracinée et innovante, résistante et audacieuse, ambitieuse mais éclose loin des grands centres financiers internationaux.

Les années 1920-1930, l’apprentissage

L’histoire débute dans les tout premiers jours de 1924. Les années folles battent leur plein. En Ardèche, dans la commune du Cheylard, peu d’échos parviennent de cette effervescence .

Maurice DELUBAC n’est pas un habitué de la ‘’corbeille‘’ parisienne avec ses agents de change, ni un familier de Wall Street ou de la City Londonienne. Il vit et travaille en Ardèche. Il a vu le jour dans une famille de paysans à Saint-Etienne-de-Boulogne près d’Aubenas en 1893.

Mobilisé en 1914, il a survécu aux combats de la Grande Guerre et l’a terminée avec le grade de lieutenant. De retour au pays et à la vie civile, il est entré dans la succursale albenassienne d’une banque lyonnaise, la Banque Privée, qui a aussi un bureau au Cheylard. Elle décide de lui en confier la direction. Une expérience formatrice pour lui et surtout annonciatrice d’un nouveau défi lorsque son employeur choisit quelques années plus tard de fermer cette agence. Maurice DELUBAC a su développer un solide réseau et se faire apprécier de ses clients cheylarois. Convaincu du potentiel économique de cette commune, il décide de fonder son propre établissement avec l’appui des industriels locaux désireux d’avoir une banque de proximité.

Le 2 Janvier 1924, il dépose ses statuts. Pour ouvrir une banque, il suffit alors de s’inscrire au Registre du commerce. Un vent de liberté souffle sur le secteur bancaire; le métier est encore très peu règlementé. A cette époque, la France compte près de 2 000 banques, beaucoup à vocation locale ou régionale.

La Banque de l’Eyrieux - Maurice DELUBAC (du nom de l’une des deux rivières traversant Le Cheylard) est portée sur les fonts baptismaux sous forme d’affaire personnelle, forme juridique qu’elle conservera jusqu’en 1976. Pour ses débuts artisanaux, sa première domiciliation sera une chambre dans un immeuble du centre ville dont le rez-de-chaussée est occupé par un café. Deux ans plus tard, la Banque emménage dans des locaux plus spacieux où elle demeurera jusqu’en 1946.

Maurice DELUBAC dessine une genèse bancaire prudente destinée à une clientèle constituée pour l’essentiel d’industriels, de commerçants et d’artisans du Cheylard et de ses environs où les secteurs de la tannerie et du tissage sont particulièrement dynamiques. Il fait aussi de la banque de titres (placements, encaissement de coupons). Il est aussi agent général d’assurance pour la compagnie L’UNION, lointaine ancêtre du Groupe AXA. Un précurseur, déjà, de la bancassurance.

Il se diversifie, il aime son métier, ses clients, son territoire. C’est un homme simple et toujours disponible. Sa devise ?  "Il ne faut pas vivre au-dessus de ses moyens, ni même selon ses moyens, mais en-dessous de ses moyens"’. Une sagesse qui permettra à sa banque de surmonter crises, krachs et épreuves du temps. Sa règle de conduite professionnelle ? La liquidité toujours. Les fonds propres sont un gage de survie, de développement et de liberté. C’est toujours la règle d’or de la Banque DELUBAC - liquidité avant tout.

Ces liquidités sont préservées durant la crise de 1929 et la Banque DELUBAC est restée debout, donnant déjà des preuves de sa solidité et de son adaptation, quand tant de petites banques régionales, et même de bien plus importantes, ont mis la clé sous la porte ou ont dû accepter de se faire racheter.

Las, à la fin de la décennie, survient une autre crise, bien plus dramatique encore : la seconde Guerre Mondiale. Maurice DELUBAC est à nouveau mobilisé. Il a quarante six ans.

Les années 1940-1950

Fait prisonnier à Dunkerque, Maurice DELUBAC est envoyé en oflag en Pologne . Libéré, il regagne l’Ardèche en 1941. Pendant son absence, son épouse Herminie a courageusement géré la Banque avec deux employés et un réfugié belge qui travaillait dans le secteur bancaire.

En dépit des conditions très difficiles de l’époque, Maurice DELUBAC fait construire un immeuble situé place SALEON-TERRAS (du nom d’un ancien maire et industriel du Cheylard) afin d’y installer à la fois les locaux de la banque et son domicile.

Les époux DELUBAC sont violemment hostiles au régime de Vichy. Les lois antijuives les révoltent. Ils les combattent en cachant chez eux un camarade de captivité, André SAMUEL, et son fils Jean âgé de 20 ans en 1944. Ce dernier n’est pas insensible à leur fille Josette. Cette rencontre survenue dans des conditions dramatiquesse conclura de façon heureuse par un mariage en 1951. De cette union naitront une fille, Madeleine, et un fils, Jean-Michel, auteur de ces lignes.

Des décennies plus tard et à titre posthume, Maurice, Herminie et Josette seront faits ‘’justes parmi les nations‘’ en reconnaissance de leur action pendant la guerre. Ils sont à ce jour les derniers Ardéchois à avoir reçu cette distinction en 2022.

Des décombres de la guerre naissent un nouvel ordre économique et financier mondial. Un nouvel ordre social aussi avec l’avènement d’un Etat-Providence dans de nombreux pays occidentaux. S’ouvre une époque de grande créativité artistique, scientifique et intellectuelle.

Une banque forte de ses valeurs au rendez-vous des Trente Glorieuses 

La Banque DELUBAC fait face à ces évolutions sociétales, monétaires et f inancières. Bien gérée, forte de ses fonds propres et de sa réputation, très intégrée dans son territoire, participant activement au développement du bassin industriel Cheylarois, et toujours guidée par le même mot d’ordre ‘’liquidité, liquidité‘’, elle va résolument de l’avant. C’est donc avec optimisme, qu’elle peut aborder les ‘’sixties‘’.

Les années 1960-1970 : Responsabilité, modernité, continuité

A l’aube de cette période, Maurice DELUBAC est déjà sexagénaire. Il s’adapte aux temps nouveaux et aux techniques bancaires les plus récentes comme il s’est toujours adapté à tout. Il se soucie cependant de la pérennité de sa banque. Comment faire ? La réponse porte un nom : Jean SAMUEL, son gendre. Après des études de Droit et d’Economie , ce dernier est entré à la Banque de France, d’abord à Lille, puis dans différentes succursales. Il s’est formé aux différentes techniques bancaires. Il est prêt, capable, motivé. En 1960, il se met en disponibilité, retourne au Cheylard pour seconder son beau-père.

La succession est engagée. Elle prendra la forme d’un passage de témoin harmonieux. S’ouvre une heureuse période de consolidation et de croissance pour la banque. La gouvernance familiale est optimisée. Les clients sont fidèles. L’économie cheylaroise tourne à plein régime.

Pour autant l’époque n’est pas de tout repos. Au cours de la décennie 70, des réseaux bancaires, notamment mutualistes, se développent, bénéficiant d’activités réservées comme la distribution de prêts bonifiés. Mais Maurice DELUBAC et Jean SAMUEL incarnent une autre conception de la banque, jouissant d’une excellente réputation entretenue par leur gestion avisée et leur sens de la proximité. Armés d’une conception pragmatique et à ‘’visage humain ’ de leur métier, ils maintiennent le cap.

L’année 1976

En 1976 , une page se tourne avec le décès de Maurice DELUBAC. Comme par une prémonition, dix jours avant sa mort, la Banque s’est transformée.

Elle est devenue ‘’Banque de L’EYRIEUX - DELUBAC &Cie", une société en commandite simple.

Cette forme juridique est propice à un mode de management moderne et souple. C’est une société de personnes dans laquelle la responsabilité des associés commandités est indéfinie et solidaire. Ils sont responsables sur leur patrimoine personnel. Une garantie pour les clients et un signe de solidité et de cohésion de la gouvernance de la banque.

La toute nouvelle société ne compte au départ qu’un seul associé gérant commandité, Josette SAMUEL-DELUBAC, Jean SAMUEL étant lui, directeur général .

Les années 1980-1990 : Se réinventer pour rester soi-même

La disparition du fondateur coïncide avec la fin des Trente Glorieuses. Ces années sont propices à des réformes sociales de grande ampleur qui vont faire souffler un vent de libéralisme très porteur pour les marchés f inanciers, mais aussi provoquer des tempêtes comme le krach boursier d’Octobre 1987.

Face à tous ces bouleversements, Jean SAMUEL et son épouse sont sur la même ligne, à la fois innovante et prudente. Mais, le monde de la banque change à vive allure. Les années 1980 inaugurent une époque inédite, ponctuée en France par des nationalisations, suivies quelques années plus tard par un mouvement de dérèglementation et de privatisations.

La Banque DELUBAC s’adapte à l’informatisation des établissements de crédit et des marchés financiers. En 1980, Jean-Michel, le fils de Jean et Josette, vient prendre part à l’aventure, dans le respect des racines de la Banque, de son ‘’ADN‘’ et de sa vision du métier conjuguant proximité et f idélité à la parole donnée.

La famille SAMUEL-DELUBAC souhaite étendre son rayon d’action. Mais où aller ? Valence est proche mais déjà très bancarisée. Lyon est très fermée.

Le tournant de l’année 1988

Ce sera Paris.

Une rencontre précieuse va décider de l’évolution de la Banque.

Serge BIALKIEWICZ est un cadre dirigeant de haut niveau au sein de grands groupes bancaires. Jean SAMUEL le côtoie de longue date dans des réunions professionnelles. Son confrère, entrepreneur dans l’âme, lui fait part de son souhait de s’associer à une banque privée et de la développer.

L’entente est immédiate, d’autant plus que la forme juridique en commandite convient parfaitement au nouvel associé.

Avec différents investisseurs amenés par Serge BIALKIEWICZ, le capital social de la Banque passe de 3 millions à trente millions de France et elle prend ses quartiers Boulevard HAUSSMANN tout en restant fidèle à son ancrage ardéchois. Nouveaux associés, nouveau site, nouvel élan capitalistique, toutes les conditions sont réunies pour se développer et se diversifier.

Des spécialisations stratégiques au cours de la décennie 1990

L’avenir de la banque passe par une spécialisation de ses activités, une stratégie de "niches‘’ qui sera conduite avec succès en offrant:

  • Des services spécifiques aux entreprises en difficulté et aux professionnels de ce secteur tels que les administrateurs judiciaires
  • Des solutions dédiées aux administrateurs de biens et syndics de copropriétés
  • Un accompagnement personnalisé et ‘’sur mesure‘’ des entreprises et des professions libérales, notamment les professionnels du droit et du chiffre
  • Une activité de gestion patrimoniale attentionnée, proposée d’ailleurs au Cheylard depuis l’origine.

Sans jamais perdre de vue cette règle d’or : soigner la relation directe, la proximité, le ‘’supplément d’âme‘’, cette promesse de la Banque DELUBAC.

Les années 2000-2020 : croissance et diversification

C’est l’avènement de l’Euro. C’est aussi une période qui connait de nouvelles mutations technologiques, mais aussi des crises financières majeures telles que celle des prêts hypothécaires aux Etats-Unis, les fameuses ‘’subprimes‘’ ou celles des dettes souveraines comme en Grèce sans oublier le choc du 11 Septembre 2001.

Face à ces évènements, une seule réponse : s’adapter encore et innover C’est la voie qu’ a empruntée une nouvelle fois la Banque DELUBAC.

Parallèlement au développement de ses marchés de ‘’niche‘’, elle s’est employée à étendre son rayon d’action territorial. En ouvrant des bureaux à Lyon et à Toulouse, puis plus tard dans les principales métropoles françaises. La Banque a également pris pied en 2022 à la Réunion , son premier bureau ultra-marin.

En 2010, Joel Alexis, fils de Serge BIALKIEWICZ, rejoint la Banque tout en terminant son doctorat en informatique théorique. Il apprend la règlementation bancaire, se familiarise avec la gestion au quotidien de la société. En 2011, il devient le troisième associé-gérant aux côtés de son Père et de Jean-Michel SAMUEL-DELUBAC.

En 2014 , la Banque a écrit un nouveau chapitre de son histoire immobilière en emménageant dans un bel immeuble rue Roquépine dans le huitième arrondissement, tout en inaugurant, en 2015, un centre administratif spacieux au Cheylard où furent regroupées les fonctions support avec, à la clé une centaine d’emplois sur place. Pour rappel, en 1988, la Banque n’employait que 5 salariés…

L’avenir

La Banque DELUBAC sait l’importance de la liberté et du progrès économique pour rendre la vie des générations futures plus agréable. Forte de ses racines et de ses valeurs, fière de devenir centenaire en cette année olympique, elle est aux avant-postes des métamorphoses du monde bancaire.

La Banque s’est engagée dans une politique volontariste de nouvelles implantations quand tant d’autres établissements ferment des agences… L’art d’être à contre-courant à bon escient. Et de prouver que digitalisation et implantations régionales peuvent cheminer de concert. La proximité demeure une valeur cardinale chère à la Banque.

Armée de cet esprit inventif, elle a mis au point un moyen de paiement universel, DeluPay, nouvelle méthode de paiement qui s’émancipe de la carte bancaire en permettant des paiements rapides – pas plus de trois secondes – et hautement sécurisés, avec des commissions fortement réduites pour les commerçants.

Au printemps 2022, elle est devenue la première banque française enregistrée en tant que prestataire de services sur actifs numériques, désormais en mesure de proposer un service d’achat/vente et de conservation de cryptoactifs, avec de très haut standards de sécurité et de performance.

Par ailleurs, elle a acquis une réputation croissante dans l’activité de correspondant banking, et donc de représentation, pour des banques situées hors de la zone Euro, notamment sur le continent africain.

De même, elle développe ses activités internationales au service des entreprises et des particuliers ayant des transactions avec des pays dits ‘’sensibles‘’ tels que l’Iran ou Cuba, d’ailleurs à la demande de Bercy, et, bien sûr, dans le respect des règlementations européennes et américaines en vigueur dans ce domaine.

Dans l’action, dans l’anticipation permanente et dans la passion de son métier, la Banque DELUBAC dessine son avenir. Riche à la fois de la mémoire des centenaires et de l’énergie transformatrice des jeunes pousses, elle FAIT et elle sait ce qu’elle fait. En avant toute, le futur lui tend les bras.

Jean-Michel SAMUEL-DELUBAC

Galerie de photos

Maurice Delubac.© PHOTOTHÈQUE BANQUE DELUBAC & CIE Extrait du registre du commerce. M. et Mme Jean SAMUEL