Chasse 01 Copyright J-M. BAYLE

Le sanglier, le chasseur et le confinement

On l'appelle ''la battue de régulation''. C'est la préfecture de l’Ardèche qui a accordé aux chasseurs cette dérogation pour organiser des battues. Objectif ? Protéger les cultures et les bois en limitant le gros gibier. En contrepartie, les chasseurs sont astreints à plusieurs règles.

 

Je les attendais à leur retour. Je pensais voir arriver une horde de trappeurs aussi sombres que la forêt, c’est une équipe pétillante de couleurs et enthousiaste qui a débarqué. Leurs panoplies orange fluo pouvaient prêter à sourire si on ignorait que le gros gibier n’identifie pas cette couleur. Il la voit verte. En revanche elle permet aux chasseurs de se protéger mutuellement. On comprend mieux cette extravagance vestimentaire.

Pour toute l’équipe le bilan de cette après-midi de chasse sur la commune de Banne semblait simplement correct, pour le néophyte elle était impressionnante. Quatre sangliers. Autant de mâles que de femelles. Le plus joufflu affichait sur la balance 103 kg. La pesée a été effectuée dès leur arrivée. Frédéric, le responsable, a consciencieusement consigné sur son registre toutes les données concernant ce gibier. Un document de régulation est envoyé aussitôt à la Préfecture.

Depuis le confinement, la chasse ‘’sport de loisir’’ se transforme officiellement en ‘’battues de régulation’’. Il s’agit en fait d’une finesse sémantique. Après l'autorisation concernant le gros gibier (sangliers et chevreuils), la même dérogation vaut pour la chasse individuelle au petit gibier depuis le 28 novembre. Quant aux conditions sur le terrain, elles sont sensiblement les mêmes qu'en temps normal.
Aucune contrainte sanitaire particulière. La distanciation y est une évidence et l’attestation de déplacement une nécessité.

En revanche elles diffèrent nettement au paddock. Leur cabane qui leur permet de partager des moments conviviaux leur est interdite.
De même que la découpe des animaux, une priorité dès le retour de la chasse, elle doit être pratiquée par seulement deux personnes à la fois. Bruno, particulièrement expérimenté, s’en est même sorti seul en un temps record. Tous doivent porter leur masque. Et malgré les efforts nécessaires pour manipuler les bêtes, tous ont pris soin de le garder. Quant aux règles de base de la distanciation physique, elles se doivent là encore d’être respectées.

L’équipe est plutôt jeune, organisée et solidaire.
Parmi la dizaine de chasseurs présents, André, 90 ans, le doyen, aime cette ambiance. Il chasse depuis son adolescence. Son expérience est écoutée. Sa gâchette respectée. Il raconte avec jubilation ce combat avec un sanglier qui l’avait chargé il y a bien longtemps, le faisant tomber dans le ruisseau de Granzon. Puis il ajoute avec malice : ’’Finalement je l’ai eu’’. Des sangliers, il reconnaît qu’il y en a beaucoup. Même trop.
C’est ce qui explique la nécessité pour la Préfecture d’organiser des battues de régulation.
L’Ardèche compte une étonnante population de gibiers. Durant les années 80, précise Bruno, « des lâchers de chevreuils, aussi élégants que dévastateurs, et la disparition de nombreux troupeaux de chèvres, expliquent en partie ce déséquilibre insidieux de la faune. » « Les chiens préfèrent désormais courir après les cervidés que contrarier les laies et leurs marcassins. » Et si durant le confinement on n’y prête pas garde, les dégâts dans les cultures et les forêts seront conséquents.

Julien a rejoint ses chiens. Parmi eux Lydie est blessée. Il pense pouvoir la soigner lui-même sans avoir recours au vétérinaire. Il semble plus contrarié par cette blessure que satisfait par le bilan de l'après-midi. La chasse aux sangliers est d’abord un combat entre les bêtes.

Jean-Marie Bayle

Galerie de photos

Chasse 02 Copyright J-M. BAYLE